Ta main sur mon cul, ma main sur ta gueule

Par Montreal Sisterhood

Réflexion sur l’usage de la violence face aux comportements et agressions sexistes

Dans les derniers mois, le sujet du harcèlement de rue a été considérablement mis en lumière. En effet, ces commentaires, gestes et comportements sexistes subis par les femmes dans les espaces publics ont suscité des discussions.  Ainsi, les réactions des femmes ont été abordées : silence, stratégies d’évitement mais aussi … auto-défense. Ainsi, est revenu le débat sur l’usage de la violence en réponse aux attaques sexistes. Bien que cette question se pose aussi pour différents types d’attaques comme celles racistes, homophobes, transphobes ou autres, la réponse violente au sexisme dérange souvent. Voici notre réflexion sur la question.

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Qu’elle soit verbale ou physique, on cherche à comprendre le sens, la pertinence et l’impact de cette stratégie. Pour certain-e-s, la violence est nécessaire dans une perspective d’auto-défense et quand le dialogue est impossible. Pour d’autres, la violence devrait être évitée le plus possible puisque nous voulons que celle-ci disparaisse de nos rapports sociaux. Si nous croyons que l’éducation populaire est certainement la méthode idéale afin d’amener des réflexions et inciter le changement, force est d’admettre que celle-ci ne s’applique pas à tous les contextes. Que faire avec un gars relou dans un party ? Avec une main baladeuse dans un show ? Avec des commentaires dégueux dans la rue ?  En effet, le sexisme ordinaire, on le vit dans notre milieu de travail, à l’école, dans la rue, dans nos activités sociales, et ces lieux et/ou situations ne sont pas toujours propices à de réelles discussions, auxquelles les deux parties sont intéressées de participer.

sisterhoodPour nous, la violence constitue aussi une stratégie d’autodéfense légitime puisqu’elle est en riposte à une violence qui nous a été imposée. Elle permet aux femmes de s’approprier ce moyen de défense dans une optique d’empowerment où elles prennent contrôle de la situation et  de l’espace. Elle permet  de démontrer sa force, mais aussi de déstabiliser l’autre et de rendre la situation sécuritaire.  Contrairement au silence, la violence a, selon nous, un effet à court terme, mais aussi à long terme puisqu’elle détruit des stéréotypes et enclenche une réflexion.
Certain-e-s diront que la violence est une attitude patriarcale ou autoritaire. Nous croyons que ce genre de commentaire renforce les stéréotypes. La violence est masculine que si nous voulons qu’elle le soit. Elle est une pulsion non-genrée, qui est ressentie autant chez les hommes que chez les femmes, mais on s’attend à ce que ces dernières discutent davantage. Lorsque des femmes qui utilisent cette méthode, comme ce n’est pas des caractéristiques socialement attribuables à celles-ci, le renversement du stéréotype semble inconfortable pour certains et chercheront une explication qui permettra de nous caser dans des normes sociales. On essaiera parfois de nous abaisser à « crisses de folles » ou à des personnes trop émotives, etc.,  afin de réduire notre action. Cela ce qui réaffirme d’ailleurs l’idée selon laquelle la dépossession des femmes de la force ou de la violence consiste en une stratégie de maintient de vulnérabilité.

6290538 Dans les milieux de gauche, il y a une certaine glorification de la violence lors de confrontation avec des nazis, des fachos, des scabs, des flics ou des réacs. Ce type d’action n’est pas remis en question et ne le serait pas non plus dans le contexte où une personne racisée, par exemple, souhaiterait se défendre. Mais nous, quand on utilise la violence, nous sommes «trop intense». Oui, le sexisme est réel et nous fait violence quotidiennement. Notre réaction agressive est légitime puisqu’elle n’est que le reflet de celle-ci.

Pour terminer, la réalité est que parfois nous préférons garder  le silence devant ce type d’attaque, car oui, nous pouvons avoir peur, ce qui est tout à fait normal. Il faut se sentir à l’aise de prendre des moyens qui nous conviennent. Toutefois, cette peur est bien souvent reliée à la confiance que nous en nous même puisque nous avons été conditionnées ainsi. L’organisation d’activités non-mixtes d’auto-défense ou de sports de combat est entre autres, un bon moyen pour pousser ses limites, prendre conscience de sa force, développer sa confiance en soi et en les autres.

Texte paru dans le deuxième numéro du Smash It Up!, fanzine du Montréal Sisterhood lancé le 8 mars 2015 et publié sur le webzine Dure Réalité.

Pour aller plus loin, Sisterhood, féminisme et antifascisme, une interview des Montreal Sisterhood réalisé par AL.

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