De l’Argentine au Québec, des mobilisations féministes contre les violences sexuelles et les féminicides

Par Féminisme Libertaire Bruxelles

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*Trigger warning – Contenu sensible : violences sexuelles, viols, culture du viol.
**Cet article tente d’appréhender la culture du viol – liée aux privilèges masculins, aux enjeux de masculinité et au contrôle des femmes – dans une société hétérosexiste et patriarcale. Cependant, nous ne supposons pas que les relations homosexuelles, lesbiennes, pansexuelles soient exemptes de rapports de pouvoir.

De l’Argentine au Québec, des féministes s’organisent contre les violences machistes, les agressions sexuelles et les féminicides en ce mois d’octobre 2016. Au Québec, une quinzaine de plaintes ont été déposées afin de dénoncer des intrusions et des agressions à caractère sexuel au sein des résidences universitaires de l’université Laval dans la nuit de vendredi à samedi. Des groupes féministes ont ainsi organisé des rassemblements et des manifestations de solidarité dans plusieurs villes au Québec afin de lutter contre la culture du viol. Différentes bannières de soutien aux survivantes d’agressions sexuelles ont été déployées sur les campus universitaires et les cégeps avec des messages tels que « Solidarité avec toutes les victimes d’agressions sexuelles », « Vous êtes fortes », « Violences sexistes, ripostes féministes », « Les femmes ne sont pas des objets », « Sans accord touche pas à mon corps ».

14798761_884657918335670_1910556926_nC’est le hastag #OnVousCroit qui a circulé sur les réseaux sociaux afin de légitimer la parole des victimes dans une société qui protège les agresseurs et veut taire le courage des survivantes qui brisent le silence. Le Comité des Femmes de l’université Laval a mobilisé sous les mots « Vous êtes fortes. Vous êtes indestructibles. On vous croit ». Ses membres dénoncent le silence du recteur et la réaction de l’administration et de la police qui conseillent aux résident-es de verrouiller leur porte. Certaines banderoles ont même été retirées par la sécurité. Ces attitudes participent à la responsabilisation des victimes des violences subies et non des agresseurs. En outre, il s’agit bien d’un problème de société et non de sécurité car ces violences sexuelles et machistes ne sont pas des faits isolés sachant que le sexisme est un système social. Dans cette configuration, il a été rappelé qu’une attaque à l’une d’entre nous est une attaque contre toutes.

#NiUnaMenosAussi, le 19 octobre dernier a donné lieu à un mercredi noir en Argentine. Les femmes ont fait grève pendant une heure en début d’après-midi en guise de protestation, pour ensuite manifester dans la soirée contre les violences de genre et les féminicides ; ce qui fait écho aux mobilisations de 200.000 personnes le 3 juin 2015 à Buenos Aires. Il s’agissait de la première grève de femmes dans l’histoire de l’Argentine. En Espagne et dans des pays d’Amérique latine comme le Mexique, la Bolivie, le Chili, l’Uruguay, les femmes se sont organisées par solidarité. Le principal mot d’ordre était du même nom que le collectif organisateur #NiUnaMenos (c’est-à-dire « Pas une de moins »). D’autres cris ont été mis ligne pour suivre les mobilisations : #ParoDeMujeres (« Grève des femmes »), #NosotrasParamos (« Nous faisons grève »), #VivasNosQueremos (« Vivantes, nous nous aimons »), #MiércolesNegro (« Mercredi noir »). C’est la barbarie du meurtre de Lucía Pérez, une adolescente de 16 ans violée, torturée et assassinée le 8 octobre qui a suscité ce ralliement « pour exiger la fin de la violence machiste ». Le terme de « feminicide », encore timide chez nous, est davantage répandu en Amérique latine. Il désigne spécifiquement les meurtres de femmes commis parce qu’elles sont des femmes. Selon les statistiques officielles du Registre argentin des féminicides, 236 femmes ont été tuées dans le pays en 2015.

En outre, une agression sexuelle a été diffusée en direct à la télévision française récemment, dans la nuit du 13 au 14 octobre. Sur le plateau de Cyril Hanouna, le chroniqueur Jean-Michel Maire a embrassé le sein de l’actrice Soraya Riffy malgré son refus, par surprise et donc sans son consentement. Cette agression qualifiée de « dérapage » a été minimisée et a même fait l’objet de plaisanteries par l’équipe et les réseaux sociaux. Si la responsabilité a reposé une nouvelle fois sur la victime, notamment en raison de son apparence, la scène a malgré tout été contestée par des internautes qui se sont manifestés en ligne.

starchild-stellaAinsi, les avènements de ce mois d’octobre 2016 démontrent l’imprégnation nauséabonde de la culture du viol dans notre quotidien. Elle se définit comme l’adhésion des sociétés patriarcales à de nombreux mythes sur le viol. Dans l’imaginaire collectif, un viol est le fait d’un inconnu sur une victime seule, dans l’espace public et de préférence la nuit. Pourtant, les agressions sexuelles sont généralement perpétrées par les personnes connues de la victime, par exemple au sein des espaces militants, professionnels, familiaux, étudiants, etc. La culture du viol désigne aussi la banalisation des violences sexuelles normalisées grâce aux structures sociales dans des sociétés où les filles apprennent à ne pas se faire violer au lieu d’éduquer les garçons à ne pas violer. La notion de consentement est peu répandue et valorisée en conséquence.

Le victim blaming « qui peut se traduire par la culpabilisation et la responsabilisation de la victime, revient à présumer que la victime est en partie responsable, voire entièrement responsable, de ce qu’elle a subi. Cela revient par exemple à considérer qu’une victime de viol « l’a cherché » en ayant adopté des comportements « provocants » ou par manque de prudence »[1]. Elle est également souvent soupçonnée de mentir, par vengeance par exemple en portant atteinte à la réputation d’un homme. Cette responsabilisation de la victime s’accompagne d’une grande impunité des agresseurs au sein d’une justice patriarcale, raciste, transphobe et bourgeoise. La police et le système judiciaire ne sont pas nos alliés. Pour cette raison, nous estimons que les survivantes n’ont pas besoin de preuves, leurs paroles suffisent.

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Les femmes du Québec et d’Argentine ont montré par leurs dénonciations, leurs mobilisations et leurs initiatives que les luttes féministes contre les violences sexuelles et les féminicides sont collectives et internationales. Leurs pratiques et leur solidarité sont à poursuivre dans le combat pour l’instauration de changements structurels et l’abolition de la culture du viol.

Nous devons briser les silences.
Nous devons faire changer la honte de camp.
Nous devons appuyer le courage des survivantes qui dénoncent les agressions.
Nous sommes sororelles, révoltées, fortes et indestructibles.
Nous sommes en lutte contre la culture du viol et le patriarcat.
Nous n’oublions pas les victimes de féminicide.
Et nous soutenons les survivantes. #OnVousCroit #NiUnaMenos


[1] http://feministesvscyberh.tumblr.com/image/137559039685

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