Par Julien Clamence (AL Bruxelles)
Le mouvement libertaire belge souffre d’un déficit de transmission de la tradition militante. Après le premier volet le mois dernier, la suite du long article d’ un membre du collectif Alternative libertaire Bruxelles.
En plus de souffrir d’un environnement politique hostile, les anarchistes belges sont confrontés à un vide mémoriel. Chaque génération doit plus ou moins recommencer à zéro, sans bénéficier des conseils et du legs des la génération précédente. Même si cette situation peut avoir des avantages, comme celui de renouveler la doctrine et de l’adapter aux temps présents, elle donne surtout l’impression aux militants et militantes que l’anarchisme jaillit tout à coup avant de disparaître, qu’il possède chez nous un caractère volatile et impropre à être une posture révolutionnaire stable.
On peut remonter loin pour comprendre cet état de fait. Les anarchistes belges étaient très présents dans le mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle et au tout début du XXe siècle. Comme en France, ils s’organisaient en particulier autour de journaux puis au sein du mouvement syndical – lors de l’exécution de Francisco Ferrer en 1909, par exemple, les maisons du peuple du bassin hennuyer se sont couvertes de drapeaux noirs. Certaines expériences de communautés alternatives ont même été tentées près de Bruxelles, mêlant autogestion, solidarité économique, végétarisme voir même nudisme. Mais déjà à l’époque, la Belgique était très dépendante de son grand voisin du sud et même du reste de l’Europe. Terre d’exil, elle accueillait de nombreux anarchistes étrangers, venus se réfugier, surtout à Bruxelles, suite à l’adoption des lois scélérates ou des diverses actions révolutionnaires menées en Espagne ou en Italie.
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Dans l’Espagne débarrassée de l’ombre de Franco, un vent de liberté traverse la Péninsule. Après 40 ans de régime dictatorial, la centrale syndicale libertaire, la CNT, sort de la clandestinité. Témoin et acteur de cette renaissance, Angel Bosqued, secrétaire international de la CGT espagnole, revient sur ces années d’espoir d’un renouveau libertaire au pays de Cervantes, sur ses temps forts, ses contradictions et ses échecs.
Alternative libertaire : Quel est le contexte social et politique de l’État espagnol au cours des dernières années du régime franquiste ?
Angel Bosqued : Des changements fondamentaux se sont produits au cours des années qui ont précédé la mort de Franco, le 20 novembre 1975. Mais, jusqu’à la fin de l’année 2000, on trouve des traces du franquisme chez des personnalités significatives de la société espagnole.
Pour nous en tenir aux années 1970, après une phase de développement commencée en 1957, l’économie espagnole connaît une crise importante, avec une inflation qui atteint les 17 % et des taux de chômage entre 9 et 16 %.
Dans le contexte géopolitique de guerre froide, les traités d’« amitié et de coopération » avec les États-Unis sont renouvelés (installation de bases militaires contre la fourniture de lait en poudre). Sur le plan politique, l’ETA assassine le chef du gouvernement Carrero Blanco à Madrid le 20 décembre 1973. Toute une série de nouveaux assassinats de policiers et de militaires suit.
En 1975, on note malgré tout un certain fléchissement du régime. Pour la première fois, l’Église, qui exerce à cette époque un pouvoir de fait essentiel, se prononce publiquement en faveur des droits d’association et d’expression. Cette même année, le catalan, le basque et le galicien sont reconnues comme langues co-officielles aux côtés du castillan. Le 18 novembre, les Cortes, une sorte de parlement désigné par le parti unique, décrètent la fin de la présence espagnole au Sahara occidental.
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