Par Patrice Spadoni
L’hypothèse de Daniel Guérin, celle d’une synthèse à venir de l’anarchisme et du marxisme, trouve précisément aujourd’hui, dix ans après sa mort, de bonnes et de nouvelles raisons pour être réexaminée. En effet, ces dix années ont tout d’abord vu s’effondrer l’empire soviétique, et avec lui les illusions qui avaient dominé pendant plus de soixante ans une grande partie de la gauche et de l’extrême gauche.
Pendant des décennies, Daniel Guérin fut l’un des plus vigoureux critiques de ce monstrueux empire du mensonge, dénonçant le stalinisme, mais aussi, bien avant que cela devînt une mode, les tendances jacobines, autoritaires, liberticides, de Lénine et de Trotski. Mais l’effondrement salutaire du mythe soviétique entraîna dans sa chute, un temps, toute idée d’une transformation radicale de la société, fût-elle libertaire ou autogestionnaire : ces dix années ont d’abord vu la victoire idéologique du libéralisme, par disparition de son adversaire officiel, mais aussi grâce à l’active réhabilitation de l’entreprise, diligentée par les partis sociaux-démocrates du monde entier, et par de larges fractions des anciens ou des toujours « communistes », qui découvraient la « liberté », sous sa seule forme « réellement existante », celle du marché capitaliste.
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