Par Grégoire (AL Orléans)
Avec les « affaires » rattrapant de plus en plus de politiciens (Publifin en Belgique, Fillon, Le Pen et Macron en France), la « moralisation de la vie politique » ou la « démocratie réelle » deviennent de plus en plus centrales dans certains discours à gauche. En Espagne, où les affaires de corruption se sont multipliées, elle est le fer de lance du parti Podemos, qui sert de modèle à la France insoumise et à d’autres formations en Europe.
Évidemment, on ne peut que critiquer la concentration du pouvoir entre les mains d’un président comme en France, les passages en force à coup d’articles 49.3 comme pendant la loi travail, l’immunité dont font la plupart du temps preuve les politiciens, la mise à l’écart des petits candidats aux législatives.
Pour autant, pourrait-il y avoir une démocratie authentique dans le cadre du capitalisme ? En effet, le capitalisme place le champ économique « hors démocratie », entre les mains d’une minorité non élue, au pouvoir quasi héréditaire : les capitalistes. Or c’est bien la possession des moyens de production qui détermine qui dirige.
Tout s’entremêle aujourd’hui, et on voit de plus en plus de grands patrons ou de banquiers rentrant en politique, à l’image d’un Trump ou d’un Macron, et défendant ouvertement les intérêts des banques et des grandes entreprises. Mais quand bien même on se doterait, par exemple, de la proportionnelle intégrale, et que cela permettrait l’élection d’un gouvernement se disant indépendant du patronat, celui-ci serait rapidement confronté au dilemme suivant : soit il rentre ouvertement en conflit avec les capitalistes, soit il se condamne à ne légiférer que sur des questions périphériques qui n’inquiètent pas les patrons.
Or tous les exemples connus montre que ça n’est jamais un gouvernement qui prend l’initiative de l’affrontement avec les capitalistes, et qu’au contraire ceux-ci se retrouvent toujours à modérer le conflit et à capituler, comme lors du Front populaire en France, après l’élection d’Allende au Chili ou encore de Tsipras en Grèce plus récemment. On peut donc faire tous les plans sur la « VIe République » ou la « démocratie 2.0 », si on ne résout pas la question du pouvoir économique, on ne fait que brasser du vent.
Et les capitalistes ne se laisseront pas déposséder sans résistance, une révolution est donc incontournable. Malheureusement, l’histoire du XXe siècle fait que révolution rime encore souvent avec prise de pouvoir par une minorité éclairée dans les oreilles des exploité.es. Nous faisons, pour notre part, le pari d’un projet qui soit à la fois anticapitaliste, révolutionnaire et démocratique, fondé sur la socialisation des moyens de production : le communisme libertaire.
Gestion directe
Les moyens de production doivent être confiés à la gestion directe des travailleuses et des travailleurs organisés en assemblées d’entreprises. Des conseils de communes seront chargées de déterminer les besoins en terme de production, tout en trouvant l’équilibre avec les capacités de production et la préservation de l’écosystème. Ces conseils seront constitués de membres élu.es avec un mandat révocable, et soumis aux décisions d’assemblée générale sur les grandes décisions politiques. Ces conseils désigneront des représentants et représentantes selon les mêmes modalités (mandats révocables et impératifs) pour les échelons supérieurs (département, région, branche d’industrie…).
Dans toutes les révolutions, les travailleuses et les travailleurs se sont spontanément organisé.es en conseils de quartier et d’entreprise, cela en toute indépendance des gouvernements en place. Si bien que, ces conseils gagnant en force et prouvant qu’ils pouvaient organiser eux-mêmes la société, une situation de double pouvoir s’installe : les conseils d’un côté, le gouvernement de l’autre, ne pouvait se solder que par la disparition de l’un ou de l’autre.
Démocratie et capitalisme sont incompatibles. La question n’est donc pas de réfléchir à des mécanismes pouvant rendre celui-ci démocratique, mais plutôt de convaincre les classes populaires de la nécessité d’un affrontement de classe pour changer la société, tout en s’organisant de façon démocratique dès maintenant.
Article original, Le Capitalisme peut-il être démocratique ?, AL, Le Mensuel, avril 2017