Par Brassac (Paris Sud)

Cette série en huit épisodes s’est donnée pour objectif de retracer l’historique de la conquête des droits des LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) aux États-Unis.

Rapidement, la série se structure autour de la figure de Cleve Jones, militant historique américain qui lutta notamment aux côtés de Harvey Milk, premier conseiller municipal homosexuel et militant pour les droits des homosexuel.les de San Francisco.

Jones, qui est crédité comme consultant de la série, règle au passage quelques comptes notamment avec le militantisme radical d’Act Up. C’est là que réside l’un des principaux écueils de la série. À la radicalité des émeutes gays du Castro – quartier historique de la communauté gay à San Francisco – dans les premiers épisodes se substitue vite une description des arcanes du jeu institutionnel des groupes de pression LGBT à partir des années 1990. Le perpétuel balancier entre activisme et institution est alors érigé en mode de lutte idéal.

La forme même de la série finira par rappeler les feel good movies. Or, paradoxalement, c’est sans doute là que réside le principal intérêt de When We Rise. Sa diffusion en prime time sur une chaîne aussi influente qu’ABC aura permis de vulgariser une histoire des LGBT auprès d’un vaste public. Peut-être un certain classicisme était-il nécessaire pour que soient vues et sues ce que peuvent être les violences policières, pour comprendre comment chaque avancée progressiste sera systématiquement remise en cause, comprendre que le racisme et la pauvreté aggravent les discriminations homophobes.

Les épisodes se déroulant pendant la période la plus meurtrière de l’épidémie de Sida donnent à voir ce que peut être une guerre en temps de paix. Si l’hécatombe a pu dans un premier temps briser les solidarités et déchaîner les homophobes, l’urgence du drame et le combat pour la survie influenceront les luttes et marqueront les esprits jusqu’à aujourd’hui. Mais le travail, notamment d’Act Up, dans la connexion avec les autres communautés décimées (usagers et usagères de drogues, prostituées…) et l’empowerment des séropos dans la compréhension de la maladie nous semble survolés dans la série. Ce n’est décidément pas cette histoire-là qu’il a été choisi de raconter.

Mais les plus militants et militantes seront curieux et curieuses de voir le rôle joué par les syndicats dans l’extension à toute la population de San Francisco des droits d’accès à la santé conquis par les LGBT. Elles et ils auront également l’occasion de se remémorer combien la non-mixité fut un outil majeur de l’émancipation des femmes dès les années 1970.

On remarquera, au fil des épisodes, la difficile reconnaissance d’une communauté de destin par les militantes et militants LGBT entre eux et elles-mêmes. Au vu du temps de narration qui est accordé pour chacune de ces différentes composantes, on constatera l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir pour l’égalité en reconnaissance des histoires et des légitimités.

Un récit de nos luttes se trouve désormais accessible au plus grand nombre. Les autres histoires du mouvement restent à écrire comme restent à conquérir nos droits, quand nous nous lèverons.

  • Dustin Lance Black, When We Rise, minisérie de 8 épisodes, 2017.

 

AL, Le Mensuel, juin 2017