Par Ayla (AL Toulouse)

Alors que les idées d’extrême droite tendent à gagner de l’influence dans la société et sont de plus en plus reprises par la quasi-totalité des partis institutionnels, une analyse critique de la stratégie des « groupes antifa » semble aujourd’hui nécessaire.

Avec la décrue numérique et la perte d’influence des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier lors des dernières décennies, on peut constater depuis plusieurs années un flou stratégique autour du combat antifasciste, exercé par de moins en moins de personnes et tendant à reproduire actions et évènements plus par habitude qu’en imaginant une construction pertinente de l’antifascisme auprès des masses.

S’il ne s’agit pas ici d’aller à l’encontre de ce qui se réalise auprès des groupes antifas spécifiques (concerts, bars militants, blogs de veille et d’informations), on peut estimer qu’existe une tendance à l’entre-soi  : certains groupes priorisent l’organisation d’évènements culturels autour de concerts et de looks «  antifa  » stéréotypés axés sur la démarche de «  ressusciter  » la tradition d’un ancien groupe communautaire (skinheads antifascistes) tendant à renforcer le côté affinitaire et minorisant du milieu, en ne permettant pas à celles et ceux qui sont éloignés de cette culture d’y avoir leur place.

Pour des campagnes unitaires du mouvement social

Par ailleurs, existe une tendance importante à déléguer aux groupes antifas spécifiques l’antifascisme de terrain, réservant au final à un petit nombre de personnes la veille sur l’extrême droite, les actions coups de poing contre les fascistes et l’information auprès de la population. Cette dernière est parfois très peu réalisée et on se retrouve dans des situations où les actions antifascistes sont très déconnectées des préoccupations de la population, qui reste malheureusement dubitative sur ces actions.

Le fait qu’une part non négligeable des militant.es antifa ne soit pas partie prenante d’autres structures de luttes (syndicats, écologie, antipatriarcat…) n’est pas pour arranger cette situation.

Si la diversité du mouvement social (syndicats de lutte, associations et collectifs de lutte) prenait beaucoup plus en charge le combat antifasciste, il serait possible d’envisager un renouveau de celui-ci  : dans un contexte de poussée réactionnaire partout en Europe, il est urgent que la résistance à celle-ci s’ancre dans les masses et surtout soit comprise par celles-ci. Un antifascisme populaire du XXIe siècle ne devrait-il pas notamment passer par la solidarité concrète auprès des réfugié.es ainsi que par la construction de luttes à grande échelle pour faire tomber les mesures gouvernementales racistes  ? Enfin, il est nécessaire de populariser massivement nos arguments de déconstruction des discours haineux à l’égard de boucs-émissaires, et cela peut passer par des campagnes unitaires du mouvement social et politique antilibéral, afin d’ancrer l’idée que résistances aux politiques libérales et antifascisme vont de pair. C’est ainsi que nous pourrons contrer l’idée générale, très médiatique mais ancrée dans une bonne partie de la population, que fascistes et «  antifas  » se vaudraient.

AL, Le Mensuel, mai 2019