Par Maria (Commune internationaliste du Rojava)
Le Rojava vit depuis 2012 une expérience d’émancipation politique et sociale impulsée par la gauche kurde. C’est dans ce contexte que des projets agricoles et écologiques sont mis en œuvre pour construire l’autonomie alimentaire et énergétique, un enjeu crucial pour préserver et développer la révolution.
De la domination coloniale française du mandat sur la Syrie (1920-1946) jusqu’à celle du régime du parti Baas, le Rojava, territoire à majorité kurde au nord de la Syrie, s’est vu imposer les politiques agricoles qui servaient les intérêts de l’État plutôt que ceux des peuples. Monoculture du blé à Cizirê, de l’olivier à Afrin et un mélange des deux à Kobanê. Ces politiques agricoles ont été accompagnées d’une déforestation presque complète ; à tel point que les arbres étaient même interdits, consommant l’eau destinée aux cultures.
C’est dans ce cadre que la Commune internationaliste du Rojava qui regroupe des militantes et militants venu.es apprendre de la révolution a commencé la campagne écologique « Make Rojava Green Again », axée avant tout sur la reforestation en coopération avec le Comité écologique du canton de Cizirê.
Alors que la Révolution du Rojava, qui a débuté en 2012, se poursuit avec pour mots d’ordre la libération des femmes, la démocratisation de la société et la coexistence des peuples au sein du système du confédéralisme démocratique, celui de l’écologie n’a pas encore été pleinement mis en pratique. La base idéologique de la pensée écologique du mouvement kurde, très largement inspirée par Murray Bookchin et les principes de l’écologie sociale, est pourtant très riche. C’est en la suivant que d’importants efforts sont déjà faits pour diversifier les cultures, replanter des zones désertes de végétation ou les avenues des grandes villes, et surtout essayer de développer une autonomie alimentaire et énergétique. Mais l’agriculture, comme le reste de la flore, reste soumise aux aléas météorologiques et aux politiques actives d’asséchement mises en place par l’État turc. Celui-ci, par les barrages au Kurdistan du Nord ou les pompes à eau souterraines placées le long de la frontière, réduit considérablement le débit de l’Euphrate et de la rivière Belix et est responsable de l’abaissement dramatique du niveau des nappes phréatiques.
Les militants aux champs
La Commune internationaliste du Rojava a donc décidé de mettre la main à la pâte, ou plutôt à la terre, et a commencé une pépinière d’arbres sur le terrain de l’académie internationaliste en cours de construction dans la région de Cizirê. Vignes, figuiers, oliviers et autres sont amenés à maturité au sein d’une coopérative à but non lucratif, et seront principalement replantés dans la réserve naturelle d’Hayaka, située à côté de Derik, mais aussi vendus à prix coûtant à toutes les structures qui demanderont des arbres.
Quand l’académie recevra les prochains militants et militantes, ceux et celles-ci, en plus de la formation idéologique sur les principes de la révolution – dont l’écologie – et de l’apprentissage de la langue, effectueront le travail physique nécessaire dans la pépinière, mettant en oeuvre les principes du mouvement kurde qui veut qu’une théorie sans pratique ne vaut… pas une graine ! Mais la campagne ne s’arrête pas là, l’objectif est aussi de faire du lieu de l’académie un modèle de village écologique : tri des déchets, compost et éventuellement recyclage sur place ; système de séparation et réutilisation des eaux usées pour l’arrosage et la fertilisation ; construction de moyens de production d’énergie autonomes. Mais aujourd’hui, la future éolienne n’est encore qu’une tour de fer rouillée qui attend dans l’herbe que l’on vienne lui donner vie. Pour que tous ces projets puissent voir le jour, plus de mains, de cerveaux et de fonds sont encore attendus.