En décembre 2018 se tient à Katowice (Pologne) le 24e sommet des chefs d’État consacré au changement climatique (Cop 24), censé prendre des mesures pour endiguer le péril.
Qu’en attendre ? Hélas rien. Cette grand-messe sera un écran de fumée. Les décideurs politiques (États) et économiques (multinationales) ne peuvent vouloir à la fois :
la croissance infinie en produisant toujours plus, en vendant toujours plus, en exploitant, en délocalisant, en enrichissant toujours davantage une minorité de possédants ;
une décroissance nécessaire par la relocalisation des productions, la réduction des gaspillages, la sobriété énergétique, la satisfaction des besoins du plus grand nombre par la répartition égalitaire des richesses.
Contradiction insurmontable.
C’est par la mobilisation de ceux qui y ont réellement intérêt – les travailleuses et les travailleurs de toute condition, manuels et intellectuels, urbains et ruraux, du Nord comme du Sud… – que l’on pourra changer la société, reprendre le contrôle de l’économie, et donc de l’avenir.
UN SYSTÈME EN PLEINE FUITE EN AVANT
Le monde développé est si dépendant des structures et des acteurs capitalistes (de nos emplois à notre alimentation) qu’on peine à imaginer les faire disparaître ou même résister à leur logique. Pourtant, des résistances et des alternatives montrent qu’un autre monde est possible et qu’un changement radical est nécessaire pour obtenir l’égalité entre les êtres humains et le respect de la nature.
Un modèle agricole mortifère
Le modèle agricole capitaliste et mondialisé ne peut pas nourrir l’humanité entière, alors qu’il émet 24 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Sa logique c’est :
- la constitution d’immenses domaines par accaparement des terres, privant la petite paysannerie de moyens d’existence ;
- l’exploitation intensive, à coups d’engrais chimiques, de semences brevetées (c’est-à-dire interdites d’utilisation aux petits paysans sans payer de droits), de pesticides (cause principale de la disparition des abeilles, semble-t-il), de plants transgéniques (avec des conséquences délibérément ignorées sur l’écosystème) ;
- la progression d’un modèle alimentaire carné, alors que la production intensive de viande a un impact très négatif. L’empreinte écologique de la production de bœuf, par exemple, est 30 fois supérieure à celle de la production de légumes !
Contre cette logique, les luttes se multiplient dans le monde : mouvements de paysans sans terre, privés de moyens d’existence par les grands propriétaires, défense de l’agriculture paysanne et locale, « zones à défendre » et luttes contre l’accaparement ou la destruction de terres et des espèces (brevets sur le vivant, OGM, aménagement du territoire…).
La surexploitation des ressources de la planète
Ayant quasiment épuisé les combustibles fossiles et les minerais les plus accessibles, le capitalisme se tourne vers des méthodes encore plus coûteuses en ressources, en énergie et en vies humaines. Les enjeux écologiques rejoignent finalement les enjeux sociaux d’égalité d’accès aux ressources et de préservation des milieux de vie à l’échelle du monde :
- l’extraction des ressources fossiles « non conventionnelles » (sables bitumineux, gaz et huiles de schiste) est catastrophique pour l’environnement (déforestation, pollutions massives de l’eau, de l’air et des sols) ;
- les mines monstrueuses à ciel ouvert se multiplient et laissent derrière elles d’immenses zones sinistrées ;
- de plus en plus de terres arables servent à la production d’agrocarburants pour faire rouler les voitures, ou de biomasse pour produire de l’électricité, au lieu de nourrir le monde ;
- la concurrence pour l’extraction de métaux, de pétrole, de terres rares, d’uranium, etc. provoque des guerres, des massacres et des déplacements de populations.
Le nucléaire : en aucun cas une alternative
La lutte antinucléaire est fondamentale pour l’écologie radicale. Loin d’être une « énergie propre » et « efficace » pour remplacer les hydrocarbures, le nucléaire est extrêmement coûteux, émetteur de gaz à effet de serre et consommateur de ressources importantes, dont l’uranium, une matière première en voie d’épuisement. Sans parler des déchets nucléaires pour lesquels il n’existe aucune solution satisfaisante, ou du risque de catastrophe comme Tchernobyl et Fukushima qui pèse en permanence sur nos têtes.
Le capitalisme ne peut pas être écologique
La base du système capitaliste, c’est la croissance, comme on nous le répète à longueur de temps.
Pour vendre plus, les entreprises réduisent la durée de vie des produits, en les rendant très compliqués ou impossibles à réparer, en utilisant des composants fragiles et rapidement périssables. Le matraquage publicitaire incite à acheter de nouveaux produits soi-disant plus beaux, plus modernes, plus utiles, faisant croire que le bonheur et le prestige social se mesurent à la quantité de biens matériels qu’on possède. La norme est que chaque individu possède sa voiture, son lave-linge, sa tondeuse, ses outils, etc., même si certains des objets que l’on possède ne servent que quelques fois dans l’année !
Pour réduire les coûts de production, les entreprises choisissent les solutions les moins chères, même si elles sont désastreuses pour l’environnement : dans le choix des matières premières, des processus de production, des sources d’énergie, de la gestion des déchets, qu’importent les conséquences écologiques ou sanitaires, la priorité, c’est le profit.
Inventer autre chose
Face à cette logique destructrice, il est nécessaire de multiplier les luttes écologistes, sociales, syndicales, pour limiter autant que possible l’expansion capitaliste.
Les partis politiciens n’ont, en matière économique, qu’une idée fixe, qu’un mot à la bouche : la sacro-sainte (et introuvable) « croissance » pour réduire le chômage. C’est exactement le contraire qui est nécessaire : dans l’intérêt général, il faut entamer une réorganisation de la production orientée vers la décroissance et visant à satisfaire les besoins plutôt qu’à engranger les profits. Et, dans le même élan, procéder à une nouvelle répartition du travail et des richesses : stop à l’opulence pour une minorité privilégiée, au gaspillage généralisé, aux grands projets inutiles ; davantage de services publics, du travail pour toutes et tous.
Les modes de production et de consommation alternatifs, individuels ou collectifs sont salutaires, mais ne suffiront pas, en eux-mêmes, à mettre à bas le capitalisme, qui peut très bien les tolérer tout en exploitant le reste de la population et de la planète.
Il est nécessaire d’articuler les luttes écologistes et les expériences alternatives à un projet anticapitaliste global, afin de reconstruire la société sur des bases nouvelles.
La SOCIALISATION est une alternative à l’étatisation et à la privatisation. Elle vise à réquisitionner les moyens de production vitaux pour en confier la propriété inaliénable à la société, et l’autogestion aux travailleuses et aux travailleurs concernés.
Pour maîtriser l’économie, la production, le développement : UNE SEULE SOLUTION : LA SOCIALISATION
La prise de conscience du péril qui menace la planète incite de plus en plus de gens à chercher, individuellement, à modifier leur façon de consommer. C’est salutaire, mais il ne faut pas s’illusionner : c’est à grande échelle qu’une transformation est nécessaire. Le capitalisme est lancé dans une fuite en avant incontrôlée. Rien de durable n’est possible dans le cadre de ce système.
L’alternative, c’est un système autogestionnaire, qui seul permettra une maîtrise collective de l’avenir.
1. Produire et consommer autrement
Dans un monde aux ressources limitées, nous devons réfléchir à quoi produire et comment, dans un souci d’économie, de restauration des écosystèmes, d’abolition des inégalités et de satisfaction des besoins de toutes et tous. Cela ne sera possible qu’avec :
- la propriété collective des moyens de production : terres, ressources, machines, usines, connaissances, technologies, énergie
- la relocalisation de la production, décidée et contrôlée par les producteurs et consommateurs.
- la conception de produits durables, réparables et recyclables.
- l’utilisation de ressources renouvelables et locales autant que possible.
- l’usage collectif des objets les plus coûteux à produire (gros électroménager, appareils électroniques…) entre voisines et voisins, amis ou groupes de consommateurs et de consommatrices.
2. Assainir l’agriculture
(24% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde)
L’agriculture paysanne, l’agro-écologie, la permaculture, etc. montrent qu’une autre agriculture est possible, respectant la nature et notre santé. Elle suppose :
- des fermes à taille humaine, gérées le plus collectivement possible, avec une production diversifiée et intégrée.
- la suppression des intrants de synthèse (pesticides, engrais chimiques), pour redonner vie aux sols en s’appuyant sur les équilibres biologiques.
- le développement de l’agriculture urbaine
- des circuits courts de distribution.
- la gratuité des semences et leur libre circulation .
3. Rationaliser les transports
(14% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde)
- diminuer les transports internationaux de marchandises.
- rapprocher les lieux de travail et de vie
- prioriser les transports collectifs, les moyens de circulation « doux » (vélo, marche), le partage des véhicules au sein de groupes de consommateurs.
- fabriquer des véhicules durables, réparables et économes en énergie (plus simples, moins rapides).
4. Reconfigurer l’industrie
(21% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde)
- relocalisation des productions délocalisées, afin de permettre l’autonomie productive de chaque région de la planète
- association de l’industrie et de l’artisanat pour une gestion globale et collective du cycle de vie des produits : conception, production, réparation, recyclage, déchets.
- suppression des productions nuisibles ou inégalitaires : luxe, armement, produits agricoles de synthèse
5. Économiser l’énergie
(19% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde)
- réduction drastique de la consommation d’énergie : isolation thermique des logements anciens, sobriété volontaire, amélioration de l’efficacité énergétique (appareils électroniques, logement, etc.) dans une logique globale de décroissance (produire et consommer moins)
- sortie du nucléaire, qui menace la planète d’une catastrophe irréversible.
- sortie progressive des énergies fossiles, dont les 80 % restants doivent rester sous terre si on veut limiter le réchauffement climatique.
- développement des énergies renouvelables avec une production décentralisée, contrôlée localement selon les ressources, s’inscrivant dans un réseau global garantissant un accès égal à toutes et à tous.
« TOUTES ET TOUS RESPONSABLES » ? OUI ET NON !!
On culpabilise la population avec l’idée que l’humanité dans son ensemble est responsable de la crise écologique.
En fait, les classes populaires du Nord et du Sud (surtout celles du Sud !) n’ont pas la même responsabilité que les classes possédantes et les grands décideurs.
Rappelons que, dans le capitalisme, le système économique est placé « hors démocratie ». Les grands choix technologiques, de développement, d’investissement, etc. sont fonction des intérêts financiers d’une minorité privilégiée.
Ils échappent à tout contrôle collectif.
Les travailleuses et les travailleurs, du Nord comme du Sud, ont donc une responsabilité, une seule : celle de se mobiliser pour imposer leur volonté à cette minorité privilégiée.
C’est la seule façon de changer de système, et de bâtir un monde nouveau.