Par David (AL Grand-Paris-Sud)

Benjamin Netanyahou, à la tête d’Israël depuis maintenant dix ans, multiplie sur le plan national et international les alliances avec des réactionnaires de tous poils. À l’international, il est l’un des acteurs d’une nouvelle alliance entre les dirigeants se revendiquant du retour à l’ordre et à la morale et d’un même rejet de la démocratie et des minorités tout en s’appuyant sur les classes possédantes et les religieux fanatiques. Tour d’horizon des alliances de cette nouvelle internationale réactionnaire et xénophobe.

Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Ce dicton maintes fois employé s’avère aujourd’hui totalement justifié pour qualifier le sens des politiques d’alliances menées depuis de nombreuses années maintenant par divers dirigeants issus de rangs ou soutenus par des partis de la droite dite « de gouvernement ».

Jair Bolsonaro au Brésil, Donald Trump aux États-Unis, Viktor Orban en Hongrie, ­Andrzej Duda en Pologne et le « patriarche » Netanyahou sont la colonne vertébrale de cette nouvelle « Internationale brune » démocratiquement sortie des urnes.

Un paradoxe de cette triste histoire est que ces dirigeants, qui ont en commun la haine de la démocratie, du pluralisme (et aussi nous verrons plus loin des musulmans), sont des « leaders » qui doivent leur place à des systèmes démocratiques, particulièrement à bout de souffle, mais qui fonctionnent sans observateurs occidentaux (alors qu’on en trouve dans tant d’autres États situés eux dans le sud).

Ce sont les leaders d’un Occident qui regarde avec nostalgie ces glorieux siècles de domination et de massacres tout autour du globe et rêve de nouvelles conquêtes face aux tièdes – tout autre Occidental non versé dans l’autoritarisme, la violence et la haine – et à l’ennemi principal : le terrorisme islamiste (les défenseurs de l’Occident qui font feu sur une foule restant au pire des criminels).

Alliances à droite toute

Les élections du 9 avril en Israël seront un test qui ne manquera pas d’être suivi de près pour ses conséquences futures au niveau régional mais également au-delà. Au pouvoir depuis 2009, Benjamin Netanyahou a fait le choix constant de gouverner avec les extrémistes religieux et nationalistes. La situation des palestinien-nes et des arabes israélien-nes n’a cessé d’empirer et nul-le ne se fait plus d’illusions sur ce que l’on n’ose plus appeler un processus de paix.

Le parti pris de Netanyahou est simple : faire alliance contre ce qu’il juge être des intérêts « arabes ». Quitte, comme en 2015, à rejeter la responsabilité de l’Holocauste sur le grand mufti de Jérusalem (par ailleurs allié opportuniste des nazis il est vrai). Face aux récentes mises en cause de Netanyahou dans différentes affaires pour fraude, corruption et abus de confiance, ce dernier persévère. Il est directement à la manœuvre dans l’alliance de deux mouvements extrémistes (Otzma Yehudit et HaBayit HaYehudi) qui permettra l’entrée à la Knesset de davantage de députés extrémistes.

La position de Netanyahou en Israël aujourd’hui s’est trouvée fort opportunément renforcée par l’élection fin 2016 de Donald Trump à la tête des États-Unis. Netanyahou avait lors de la campagne (était-ce de l’ingérence ?) pris très directement parti pour le milliardaire réactionnaire, raciste, homophobe, etc. Ce dernier une fois élu orienta la politique de son administration vers une reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël. Un véritable franchissement du Rubicon en forme d’enterrement symbolique de l’espérance des arabes à avoir un droit légitime à vivre sur la terre de leurs aïeux. Les deux hommes se retrouvent également dans leur égale haine à l’encontre du régime iranien redevenu le centre de l’Empire du mal.

En juillet 2017, c’est vers ­l’Europe centrale que Netanyahou va nouer une nouvelle alliance avec le leader hongrois Viktor Orban. La poignée de main opportuniste de ces deux héros d’une nouvelle croisade antimusulmane oblitère les relents antisémites des propos tenus notamment par Orban à l’encontre de Soros, également détesté par les deux dirigeants. Une rencontre à l’initiative ­d’Orban avec les dirigeants tchèque, slovaque et polonais devait même se tenir dans la foulée, mais les tensions entre la Pologne et Israël au sujet de la Shoah n’ont pas permis que ce quintet voit finalement le jour.

Autre noce qu’il aurait été dommage de louper enfin, celle qui célébra fin décembre 2018 la nouvelle « fraternité » avec le Brésil de Bolsonaro – le capitaine de réserve nostalgique de la dictature militaire (1964-1985) et dont l’amour de la chose militaire n’a d’égale que sa haine d’une bonne partie de sa population : femmes, homosexuel.les, Noir.es, peuples indigènes et le pédagogue Paulo Freire.

Ces deux phares de l’Occident blanc judéo-chrétien envisagent avec envie de fructueuses collaborations économiques et militaires. Charmé par l’accueil de son hôte, Netanyahou se faisait lyrique : « Ensemble, avec d’autres pays comme les États-Unis, qui ont une idéologie semblable à la nôtre, nous avons tout pour nous entraider et apporter des bienfaits à nos pays. » Il faut dire que Bolsonaro avait dès le lendemain de son élection annoncé, à l’instar de ce qu’avaient fait les États-Unis en mai 2018, son désir de voir l’ambassade du Brésil transférée de Tel-Aviv à Jérusalem.

La fin d’un processus historique ?

Leur haine du multiculturalisme, des minorités (qu’elles soient nationales, religieuses ou sexuelles), du désordre (au sens très large), du débat (au sens large) les range du côté de l’extrême droite la plus traditionnelle. Mais loin des coups de force armés qui durant le XXe siècle ont permis l’émergence de pouvoirs autoritaires en Europe et en Amérique du Sud, souvent pour sauver les intérêts des capitalistes du « péril rouge », ces leaders réactionnaires sont très légalement sortis des urnes. Certains, comme Netanyahou, ont même vu leur élection confirmée par la suite.

Faut-il y voir la fin d’un processus historiquement marqué de la mansuétude d’une frange de la bourgeoisie qui voyait dans le cirque électoral et le vernis démocratique les conditions de son maintien aux commandes ? Le recul des forces et idéaux révolutionnaires et des aspirations collectives d’émancipation laissent aujourd’hui le champ libre à l’expression de la violence de la classe dirigeante. La démocratie représentative apparaît pour ce qu’elle est : un instrument, devenu obsolète aux yeux de beaucoup, dont le rôle historique fut de casser les solidarités de classe au nom d’un intérêt national qui n’est que l’intérêt des dominants. Oui mais ! Ça branle dans le manche, les mauvais jours finiront. Et gare ! à la revanche quand tous les pauvres s’y mettront…

AL, Le Mensuel, avril 2019