Un mois après l’explosion sociale dans la région chilienne, la Fédération anarchiste de Santiago déclare :

1 – Un mois s’est déjà écoulé depuis que les peuples qui habitent le territoire dominé par l’Etat chilien se sont soulevés dans une lutte digne, les humiliations et les conditions de vie précaires auxquelles la bourgeoisie nous soumet, sont combattus avec un un élan social qui se fait toujours sentir aujourd’hui. La volonté de la classe opprimée a été infatigable, jour après jour, semaine après semaine ; sur les places,  dans les quartiers, dans les rues et partout où s’exercent la résistance et l’organisation. Les mobilisations continuent malgré la trahison des opportunistes habituel.le.s, qui se sont à nouveau assis.es à la table de la bourgeoisie pour se mettre d’accord sur nos vies, les peuples ont montré à ces parasites que nous n’en avons pas besoin, que la lutte continue malgré le fait qu’ils nous mettent la dague dans le dos, que la résistance est ingérable et continuera de l’être tant que le Capital et le Patriarcat continueront d’exister.

2 – La répression de l’Etat et de ses laquais a été sanglante. Le terrorisme d’État a été exercé en toute impunité et avec la complicité de différentes institutions, c’est pourquoi les chiffres ne font qu’augmenter. Aujourd’hui, plus de 6 000 personnes ont été arrêtées, 222 ont perdu la vue à cause de la répression, presque trente morts, plus de 2.400 blessés, s’ajoutent des centaines de personnes torturées et emprisonnées et des dizaines de personnes violées, réaffirmant que l’état d’urgence est permanent et que sa politique de guerre contre la classe opprimée est la meilleure leçon apprise à l’École des Amériques. De plus, ils ont commencé à criminaliser ceux qui continuent de résister dans les rues et ils se jettent sur eux avec des raids, des montages et des plaintes concernant la loi antiterroriste et de sécurité intérieure de l’État de Pinochet. La chasse aux sorcières a commencé et l’Etat s’apprête à mener son offensive, la preuve en est que le gouvernement annonce une batterie de lois en matière de répression qui viennent frapper directement la protestation sociale et les peuples en lutte.

3 – Un élément important a été le rôle des Forces armées (FFAA). Celles-ci ont été délibératives dans la mesure où elles ont pris des décisions pour elles-mêmes au cours des dernières semaines, comme en témoigne le fait que le mardi 12 novembre, dans le contexte de la grève massive qui s’est étendue à tous les territoires, le gouvernement, la queue entre les jambes, lors d’une réunion à La Moneda, demande une fois encore aux forces armées leur aide pour la répression systématique de notre classe. Ces dernières ont demandé au gouvernement des garanties d’impunité pour les crimes contre l’humanité qu’il allait commettre contre les peuples en lutte, et devant la crainte libérale des responsabilités politiques associées à cette décision, le gouvernement a décidé de ne pas garantir une telle demande, de sorte que les Forces armées ont décidé de ne pas descendre dans la rue, laissant Piñera et son entourage ridicules sur une chaîne nationale où le fanfaron a dû appeler des policiers retraités pour collaborer à la répression. Loin de nous paraître drôle il nous semble inquiétant que les Forces Armées (FFAA) délibèrent et prennent des décisions pour elles-mêmes. Donc leur projet politique prend toute sa pertinence dans le scénario actuel, un projet qui cherchera l’impossibilité de la caste politique actuelle à rétablir l’ordre face à l’explosion sociale à partir d’une sortie politique : intervenir avec violence dans la situation, afin de rétablir l’ordre bourgeois à coup de balles et d’humiliations. Nous appelons les communautés en lutte à être attentives à la possibilité d’un retour de la terreur militaire dans les rues, mais cette fois-ci à partir d’une intervention plus radicale.

4 – La caste politique putréfiée de l’ancien Congrès national est partie de ce qui avait été dit au point précédent pour conclure des accords politiques en vue de progresser vers une nouvelle constitution. Les partis d’ordre, de gauche à droite, ont collaboré en deux jours de négociations face à l’urgence d’une éventuelle intervention militaire et ont cherché à apporter une solution politique rapide à la crise. Des salles de l’opulence naquit l’infâme « Accord pour la Paix Sociale et la Nouvelle Constitution », tandis que les communautés en lutte commémoraient le meurtre du peñi Camilo Catrillanca par l’Etat chilien il y a un an dans le Wallmapu, depuis recoins du palais sortait une fumée blanche, laquelle cherchait à troubler la vue des opprimés, pactisant sur le sang de nos mort.es, de nos prisonniers.ères, mutilé.es, torturé.es et violé.es. Ils ont cherché à museler la résistance intarissable des peuples en lutte, ils ont cherché à faire un pacte au nom de celles et ceux qui résistent, sans pour autant représenter les moindres intérêts des soumis. Leur accord pour une nouvelle constitution n’est rien de plus que ce que nous dénonçons depuis le communiqué précédent, c’est-à-dire une manière d’oxygéner leur démocratie au relent de lacrymogène afin de jeter les bases d’un nouvel État qui continuera à remplir son rôle historique d’oppression des communautés qui luttent contre l’ordre bourgeois et son système de domination. Quel que soit le mécanisme par lequel la Constitution sera modifiée, ce dernier ne vient que pour reconstruire l’Etat, le problème n’est pas celui de la participation, c’est celui de la classe. Ce processus ne fait qu’entériner l’ordre bourgeois qui, déjà enrichi de son héritage pinochetiste, cherche par ces étranges annonces à générer un nouveau pacte social basé sur une fausse pleine participation citoyenne, qui d’ailleurs ne peut servir de témoignage de foi que dans le processus de reconstruction du cadre juridique et constitutionnel bourgeois.

5 – Après un mois de lutte, nous avons beaucoup gagné, nous nous sommes redécouvert.es comme une classe opprimée, le tissu social exterminé des années sanglantes de la dictature de Pinochet s’est régénéré, nous avons retrouvé une partie de notre vie. Cependant, la précarité de la vie reste intacte, il est donc extrêmement important de continuer à se mobiliser pour obtenir des améliorations à court terme, susceptibles d’encourager les peuples en lutte et leur permettent d’affronter leur existence dans des conditions un peu plus dignes. Il est donc essentiel de continuer à lutter pour paralyser le programme législatif du gouvernement, dans lequel le TPP-11 (Accorde de partenariat transpacifique), la loi sur l’intégration sociale et son programme répressif doivent être immédiatement rejetés. D’autre part, récupérer les droits sociaux, à travers l’élimination de l’AFP, l’abrogation du Code de l’Eau, l’annulation immédiate des dettes universitaires, la réduction permanente des prix de services de base, la réduction de la journée de travail et l’augmentation du salaire minimum. Nous sommes solidaires de nos camarades qui ont subi la répression bestiale, en particulier celles et ceux qui sont actuellement en prison, confronté.es à des processus répressifs complexes dans lesquels les lois les plus terrifiantes de l’ordre bourgeois ont été invoquées.

6 – Enfin, nous appelons les peuples en lutte à ne pas se laisser séduire par les ruses des partis d’ordre, à ne pas négocier avec les assassins et à ne pas croire en leur fausse paix. Nous devons continuer à mobiliser et à renforcer nos organisations de classe, à consolider le protagonisme populaire des syndicats, des fédérations et des centres étudiants, des assemblées territoriales, des organisations de femmes, des dissidences sexuelles et féministes, des comités de parents, des coordinations pour la défense des terres, des eaux et des territoires, des organisations des peuples autochtones, etc. Que toute cette résistance se multiplie et se dote d’outils d’organisation qui mèneront à notre libération.

Poursuivons la lutte !

Pour renforcer le Protagonisme Populaire !

Enracinons l’anarchisme !

Bâtir une communauté organisée !

Vive la lutte des peuples !

Liberté immédiate pour les prisonnièr.e.s des bouleversements sociaux !

FÉDÉRATION ANARCHISTE DE SANTIAGO