Une délégation zapatiste parcourra l’Europe au printemps 2021, l’occasion pour nous d’échanges fructueux auprès des compagnonnes et compagnons toujours en résistance.
Depuis le soulèvement de 1994 le mouvement zapatiste s’efforce de construire l’autonomie, à la base et par la base, au sein des communautés insurgées du Chiapas, inspirant de nombreuses luttes politiques au Mexique et à travers le monde et sachant recueillir en retour de nombreux soutiens internationaux.
Le zapatisme, plus qu’un simple système de pensée, a su développer tout un système d’organisation politique, mais aussi sociale, économique et culturelle. Parmi ces nombreuses réalisations on peut citer les dispensaires de santé, les écoles autogérées, ou encore les coopératives de productrices et producteurs de café. Il existe une bibliographie bien fournie sur les théories et les réalisations zapatistes dans la littérature française. Grace à ces mises en œuvre pratiques et à la présence de l’armée insurgée de la communauté, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), un rapport de force avec l’état mexicain a pu bon an mal an se maintenir toutes ces années.
Mais ces derniers mois, les communautés zapatistes sont de nouveau la cible d’attaques contre leur peuple et contre leurs outils, visant directement leur autonomie et leur auto-gouvernement.
Le 22 août, un groupe paramilitaire a attaqué puis incendié deux entrepôts contenant les récoltes de café des zapatistes dans le district de San Cristobàl de las Casas, portant un coup aux ressources des communautés. Le 11 septembre c’est à Tila que des villageois·es ont été attaqués à l’arme lourde par le groupe paramilitaire « Paz y Justicia », faisant un mort et plusieurs blessé·es. Le retour de cette violence paramilitaire est généralement couverte et instrumentalisée par les autorités de l’État, quand elle n’est pas directement organisée par ce dernier pour déstabiliser le système zapatiste et les communautés indigènes autonomes.
Pour le spécialiste du Chiapas Jérome Baschet, « cette guerre doit être comprise dans un double mouvement de prédation économique d’une part et de (re)conquête du contrôle étatique sur les territoires rebelles de l’autre. Pour justifier sa politique, l’État argue l’impératif de sécurité – “ramener l’ordre” en territoire indigène – et, dans une logique néolibérale limpide, les impératifs économiques (croissance, mondialisation). Tout à la fois, il tente de reprendre le contrôle sur les territoires perdus et de préparer le terrain au capital transnational.» [1]
L’État et les paramilitaires toujours en embuscade
En effet, les mégaprojets, instruments de colonisation des territoires, sont légions dans le sud du Mexique et en particularité au Chiapas. On se rappelle du projet de « Train aya » [2], mais de nombreux programmes de construction d’infrastructures électriques et industrielles sont prévus au Chiapas par le gouvernement fédéral dans les prochaines années. Le retour des paramilitaires dans la zone est donc loin d’être une coïncidence.
C’est dans ce contexte que le 5 octobre dernier, le sous-commandant Moisés de l’EZLN a annoncé la venue en Europe au printemps 2021 d’une délégation de zapatistes, majoritairement formée de femmes. Cette tournée sera l’occasion pour les zapatistes de réaffirmer leurs positions, de pouvoir parler de ce qu’elles vivent au quotidien dans leurs territoires et de s’assurer d’un soutien international toujours vif. La fin de la tournée sera marquée par une manifestation le 13 août 2021 à Madrid, date symbolique du début de la colonisation espagnole au Mexique. Sachons accueillir comme il se doit la délégation zapatiste en Europe, et aidons-les à promouvoir leurs luttes tout en s’inspirant de leur expérience autogestionnaire pour une vie digne.
Vincent (UCL Var)
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