Par AL Bruxelles
La morosité syndicale prégnante en Belgique après plusieurs années de défaites sociales a été secouée cet hiver. Les bonnes nouvelles sont venues du précariat atomisé et contrôlé par les algorithmes : les livreuses et livreurs de Deliveroo.
Les camarades du Collectif des coursières et coursiers ont mené un mouvement remarquable à plusieurs points de vue. L’étincelle qui a mis le feu à la plaine, c’est un coup de force de Deliveroo. La société a annoncé l’abandon du paiement horaire au profit du paiement à la course et qu’au 31 janvier 2018, l’ensemble de ses coursières et coursiers devraient avoir adopté le statut d’indépendant (l’équivalent belge du statut français d’auto-entrepreneur) à la place du statut d’entrepreneur-salarié que beaucoup avaient choisi en adhérant à la société SMart. Ce dernier n’était pas parfait mais permettait l’accès à certains droits sociaux : chômage, assurance.
A l’annonce de ce changement, fin novembre, le Collectif des coursières et coursiers avait exigé que celles et ceux qui le souhaitaient puissent conserver leur ancien statut, et la direction avait fait mine d’accepter une négociation. Ce n’était en fait qu’une tactique cynique, dont l’unique but était de gagner du temps jusqu’à la date fatidique du 31 janvier, quand toutes et tous seraient contraints de plier ou de partir.
L’épicentre à Bruxelles
Une première grève a éclaté le 8 janvier quand les coursières et coursiers ont reçu les premiers résultats des négociations. Le mouvement s’est révélé extrêmement conflictuel dès le premier jour, avec une radicalité spontanée dans les actions, comme l’expropriation des commandes ou encore une attaque de nuit contre le siège de Deliveroo. Cet antagonisme n’a pas faibli d’un pouce durant un mois, avec des grèves s’accompagnant de sabotages et même d’une occupation du siège pendant plusieurs jours. Une caisse de grève a permis aux grévistes de financer leurs actions et de recevoir une compensation pour les jours perdus. Le mouvement a gagné plusieurs villes, même si Bruxelles en reste l’épicentre, et franchit plusieurs frontières. Frontières nationales pour commencer, avec plusieurs visites de coursières et coursiers de France et des Pays-Bas qui sont entrés en lutte au même moment. Mais aussi frontières des entreprises, car plusieurs fois des coursières et coursiers Uber se sont joints à ceux et celles de Deliveroo. Malheureusement, malgré l’endurance des grévistes, les réserves de cash et la dead-line du 31 janvier ont permis à Deliveroo de tenir.
Mais ce n’est que le début. Une partie des coursières et coursiers ont décidé de réorienter leur travail sur ouvrir leur propre coopérative. Ils ont cependant bien conscience que face au modèle Deliveroo qui sous-paie ses travailleurs, il faut que ce projet s’accompagne d’une poursuite de la lutte au sein de Deliveroo. C’est là que les révolutionnaires peuvent faire la différence. Il n’y a que trois mots à retenir : organisation, organisation et organisation.