par Jacques Dubart
En affirmant dans le Manifeste du parti communiste que « l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes », Marx et Engels voulaient montrer que l’histoire des sociétés humaines s’explique principalement au travers de l’analyse des conditions matérielles dans lesquelles vivent et travaillent les femmes et les hommes, de leur évolution et des contradictions que ces évolutions créent au sein des sociétés.
Une démarche matérialiste s’oppose à l’idéalisme de l’idéologie dominante, qui donne le rôle déterminant aux idées, aux grands hommes, voire aux puissances divines. Car les facteurs matériels influencent profondément les idées et les actes des humains.
Une analyse « dialectique » de l’histoire met en lumière au moins trois aspects complémentaires :
– Les faits sociaux ne sont pas figés. Ils évoluent et peuvent même changer de nature. Ainsi en sont-ils des inégalités sociales ou entre les hommes et les femmes présentées par la pensée dominante comme éternelles.
– Les contradictions internes qui traversent chaque situation sont le moteur de son évolution. Ainsi analyser les organisations syndicales « tout d’un bloc » et négliger la contradiction permanente entre leur aspect intégrateur et leur aspect lutte de classe ne permet pas d’en comprendre les évolutions possibles.
– Mais si les contradictions internes sont le moteur de l’évolution, c’est le contexte qui favorise ou étouffe tel ou tel aspect de la contradiction.
Car l’histoire n’est pas écrite d’avance. Ce ne sont pas des idées abstraites ou des interventions matérielles indépendantes de la volonté humaine qui font l’histoire.
Ce sont les femmes et les hommes : leurs actions, leurs idées, leurs décisions prennent leurs racines dans les conditions matérielles et économiques où ils vivent. Mais le rapport entre les idées et leur condition matérielle d’existence est lui aussi dialectique : elles s’influencent réciproquement ! Les idées ont leur dynamique propre. Il peut exister des décalages dans le temps entre l’apparition des idées et les conditions matérielles. Mais idées et institutions ne peuvent pas survivre éternellement aux conditions matérielles qui les ont suscitées.
Le matérialisme dialectique historique est simplement une méthode pour comprendre et agir. Sans cela, le risque est grand d’en rester à des explications unilatérales, subjectives, partielles et de s’enfermer dans des actions sans efficacité.
Au final, parler de matérialisme dialectique historique c’est simplement revendiquer un outil d’analyse pour faire avancer le projet communiste libertaire. On en déduira une stratégie fondée sur la transformation des conditions matérielles, à laquelle la propagande idéologique sera subordonnée.
source: AL, le mensuel n°195, mai 2010