Par Antoine (depuis Barcelone)

Le Centre Social Autogéré Can Vies, 1canvies17 ans de solidarité, d’autogestion et de culture (ou plutôt de contre-culture) durant lesquels se sont déroulés entre autre des centaines de débats, projections de films, représentations théâtrales, présentations de livres, ateliers de formations, concerts, dîners populaires. Entre autre…

C’est à Barcelone en 1997 dans le quartier populaire de Sants que naquit le projet de Centre Social Autogéré (CSA) Can Vies. L’aventure commence dans un bâtiment abandonné par l’entreprise gérant les transports publics de la ville (TMB). Bâtiment qui résume à lui seul l’histoire de Barcelone. Construit en 1879 comme entrepôt de matériel de construction, il est collectivisé en 1936 par la CNT pendant la guerre d’Espagne. Après la victoire de la dictature, il sera récupéré par le régime jusqu’à la mort de Franco. Il devient ensuite un nouveau un lieu de rassemblement des travailleurs.ses. Incendié lors d’un conflit social, le bâtiment se retrouve inoccupé. Il est alors récupéré par des jeunes des quartiers avoisinants pour devenir le Centre Social et Culturel très populaire que l’on connaît aujourd’hui. Le CSA Can Vies prend rapidement de l’ampleur à Barcelone. Il devient une lumière signifiante contre le capitalisme, le fascisme et la répression étatique. Une lumière qui, malgré les événements récents, n’est pas prête de s’éteindre.

canvies2En effet, en 2006 les « propriétaires » décident de récupérer le bâtiment occupé par le Centre Social pour le détruire dans le but de « réaménager le paysage urbain ». Après 8 années de procès, la décision tombe. Les occupant.e.s doivent être expulsé.e.s et quelques heures plus tard, la destruction commence. Commence alors également ce qui pourrait ressembler à une guerre civile entre la population des quartiers et la police. Environ 3.000 personnes des barrios se retrouvent instantanément dans la rue. Des barricades sont montées sur la route pour empêcher la police et la pelleteuse qui servira à la destruction de passer. La répression policière intense permettra néanmoins à la destruction de commencer. Les occupant.e.s parviennent cependant à mettre le feu à la pelleteuse et ainsi stopper la destruction. Pendant une semaine, jours et nuits, des affrontements ont lieu et se solderont dizaines d’arrestations (67 exactement) et des dizaines de civils blessés par des coups de matraque et des tirs de flash-ball. Aujourd’hui, un manifestant se trouve toujours derrière les barreaux, un mois après les événements. La destruction du centre social est tout de même interrompue. Le 31 mai, devant la contestation populaire et soutien de la population des barrios, le maire est obligé de renoncer à la destruction du bâtiment.

canvies3Dès le lendemain, plus de trois cents personnes s’unissent bénévolement pour évacuer les débris causés par la destruction partielle du bâtiment (la partie restante ne fut pas épargnée par les coups de pelleteuse et la violence des affrontements) avec comme perspective claire la reconstruction de Can Vies. Les débris sont alors transportés par les 300 travailleurs volontaires devant la mairie de Sants. Avec un message très claire ; « nous n’avons pas besoin de mairie, vous ne nous représentez pas ». Deux visions de société s’opposent, d’une part la vision verticale du gouvernement qui défend ses idées à coups de matraque sans aucune consultation populaire (hormis celles des intérêts de la bourgeoisie). Et d’autre part, la démocratie horizontale, soutenue par la population, qui construit un projet social et culturel depuis plus de 17 années et où toutes les décisions sont prises en assemblée populaire.

canvies4Sur place, nous pouvons voir le soutien dont jouit le projet Can Vies au sein de la population. A plusieurs reprises, lors des journées de reconstruction, des habitants de Sants viennent féliciter les nombreux travailleurs.ses venu.e.s reconstruire bénévolement le Centre Social. Les journées de reconstruction (en ce moment 3 par semaine) sont souvent suivies d’un diner populaire, d’activités diverses ou de manifestations (la dernière en date fut pour la libération du prisonnier politique arrêté il y a plus d’un mois lors de la répression policière).

Un tel projet de reconstruction nécessite évidemment un certain financement. Un projet a été lancé pour récolter 70.000 euros auprès de la population dans les quarante jours.  Si l’objectif est atteint, 30.000 euros seront utilisés pour combler les frais judiciaires concernant les 67 personnes arrêtées durant les interventions policières, pour entamer des plaintes pour violation des droits de l’homme et contre les violences policières qui ont mené à des blessures (pour certain.e.s très graves) de dizaines de personnes. Les autres 40.000 euros seront investis dans la reconstruction de Can Vies. Comme de coutume, cette gestion se décidera bien évidemment en assemblée populaire et en démocratie directe. Après 12 jours, 20.000 euros ont déjà été récoltés. De nombreux bars et restaurants de Sants, mais également d’autres régions du pays catalan ont décidé d’attribuer leurs bénéfices au projet. Les nombreux centres sociaux que comptent Barcelone et ses alentours manifestent également leur soutien à Can Vies, qui est devenu un symbole de résistance, en organisant par exemple des concerts de soutien. De fait, Barcelona n’est pas surnommée Rosa del Foc pour rien! (Rose de feu en Catalán).

La lumière de Can Vies ne peut être détruite. Ils ne pourront pas expulser la culture populaire. La solidarité et la démocratie directe sont plus qu’un centre social, c’est un projet de société. Les occupant.e.s le savent, ils ne se battent pas seulement pour Can Vies, mais également contre le capitalisme. Le gouvernement et la bourgeoisie l’ont vu- et le verront encore s’il le faut- ¡si Can Vies va a terra, barri en guerra!