Silvia Federici (historienne) : « Le capitalisme sépare et isole les femmes »

Propos recuillis par Hourya Bentouhami (AL Tarn)

Comment le capitalisme a-t-il été possible ? En bonne partie par le travail domestique des femmes, qui a rendu les hommes disponibles pour le salariat. Silvia Federici explique ainsi l’idéologie patriarcale qui a jeté le soupçon et combattu la sociabilité entre femmes, qui risquait de les distraire de cet indispensable rôle de servante.

AL : Est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours qui va de l’étude de la chasse aux sorcières (dans Caliban et la Sorcière) comme ayant contribué selon toi à la première forme d’accumulation primitive avec les enclosures [1] des femmes, à la réflexion que tu mènes aujourd’hui sur le travail domestique et le capitalisme à une échelle globale dans ce qui s’apparente à une forme de néocolonialisme ?

Silvia Federici : Dans les années 1970, on a commencé à analyser le travail de reproduction, le travail domestique, comme étant un terrain très important d’exploitation des femmes et de luttes dans les sociétés capitalistes. Cela nous a conduits à penser que les femmes doivent mener une lutte autonome et pas seulement assurer une fonction de soutien des luttes des hommes.

À partir de cette perspective, j’ai commencé à penser l’histoire de la construction du travail domestique, et cela m’a conduite à repenser l’histoire de l’accumulation primitive. J’ai compris très tôt qu’il était important de comprendre ce qu’est le capitalisme, comment il s’est développé, et comment s’est transformé le travail que l’on appelle dans la société moderne travail de reproduction – surtout le travail ménager.

Je me suis donc intéressée aux sociétés précapitalistes pour comprendre comment ce travail a été transformé, surtout en Europe. J’ai alors étudié le Moyen Âge. Et j’ai compris que dans la société féodale, qui était une société très opprimante en raison de la servitude (qui était un système d’exploitation très fort), le serf dans beaucoup de cas avait en guise de salaire accès à la terre, donc à des moyens de reproduction [2].

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Syrie : la gauche kurde seule contre tous

Par Alternative libertaire

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Ça devait bien finir par arriver : les impérialistes occidentaux lâchent les YPG pour complaire à Ankara. La parenthèse ouverte il y a deux ans à Kobanê se referme. Mais il n’y a pas le choix : la lutte continue.

Avec l’entrée de l’armée turque en Syrie le 24 août, la guerre civile entre dans une nouvelle phase. Ce pays martyr est, plus que jamais, le jouet des rivalités entre puissances impérialistes – iraniennes, turques, russes, américaines, françaises, britanniques, saoudiennes, émiraties, qataries…

Dans ce bourbier cruel, Alternative libertaire soutient, depuis 2014, les forces de la gauche kurde – le PYD et les milices YPG-YPJ, aujourd’hui fer de lance de la coalition arabo-kurde Forces démocratiques syriennes (FDS). Si AL soutient la gauche kurde, ce n’est pas seulement parce qu’elle est « notre meilleur rempart contre Daech » comme on l’entend trop souvent dans la bouche de certains Occidentaux, mais surtout parce qu’elle est la seule force politique à proposer un projet fédéraliste, démocratique, féministe et, d’une certaine façon, laïque, pour le Moyen-Orient. Un projet où toutes les composantes culturelles de la région – arabes, kurdes, turkmènes, sunnites, chiites, chrétiennes, yézidies… – puissent vivre à égalité. En ce sens, elle est le rempart de toutes et tous les amis de la liberté et de l’émancipation.

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Rail belge : Vive la grève !

Par Julien Clamence (AL BXL)

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Photo : Krasnyi Collective http://www.krasnyicollective.com/NEWS/premiere-journee-de-greve-contre-le-gouvernement-michel-ier/

Aujourd’hui, il y a des femmes et des hommes qui font grève et qui érigent des piquets contre les attaques d’un gouvernement au service des puissants et riches. Ils tiennent tête au premier-médiocre Michel et à ses sbires. Ils tiennent tête aux patrons qui les méprisent du haut de leurs stock-options et de leurs salaires mirobolants. Ils tiennent tête aux médias qui les condamnent et vomissent sur leurs actions dès que l’occasion se présente. Ces femmes et ces hommes sont courageux. Leur résistance est un exemple pour tous ceux qui croient en la solidarité, à tous ceux qui savent qu’un monde meilleur, plus égalitaire et plus juste est possible.

Ils nous réapprennent une vérité fondamentale : le travail appartient à ceux qui se lèvent le matin pour faire fonctionner la société. Sans eux, pas de train, pas de tram, pas d’enveloppe dans nos boites aux lettres, pas d’école pour nos enfants, pas de ramassage de nos ordures… bref, pas de société. Le travail n’appartient pas aux patrons qui sucent le sang des travailleurs, il n’appartient pas au gouvernement qui manie la matraque pour faire rentrer les révoltés dans le rang. Il appartient aux femmes et aux hommes qui le font. Quand ceux-ci décident de s’arrêter, la machine sociale s’arrête avec eux.

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L’urgence écologique : sortir du capitalisme

AL Urgence écologiqueLe Sommet mondial sur le climat (Cop21) n’aboutira à rien. Les grands décideurs politiques et économiques qui s’y rencontreront ne peuvent vouloir, à la fois, réduire les émissions de gaz à effet de serre, et « relancer la croissance », leur idée fixe. Pour stopper le réchauffement climatique, il faudra effectivement changer de système. Et donc poser la question qui fâche : la propriété des moyens de production et d’échange.

A l’occasion de la 21e Conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra dans quelques mois, et qui est censée relancer l’effort international contre l’effet de serre et le réchauffement climatique, gouvernements et capitalistes déploient toute leur énergie à prouver que le système – politique, économique – est capable d’une réforme à la hauteur de l’enjeu : se limiter à un réchauffement de l’atmosphère de 2°C, et ainsi éviter les conséquences les plus dramatiques d’un changement de climat.

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Grèce : L’adieu aux illusions réformistes

Par Yannis Androulidakis (Rocinante)

10885529_10152996985672276_178701586058206979_nLes événements de l’été ont laissé le peuple grec dans une situation catastrophique, mais ils auront au moins eu le mérite de plomber les vieilles lunes électoralistes ou référendaires. Et de mettre les libertaires sur le devant de la scène.  Analyse d’un membre de l’Initiative anarcho-syndicaliste Rocinante.

Le 25 janvier, l’élection de Syriza en Grèce a secoué l’Europe. Pour la première fois dans l’histoire contemporaine du continent, un parti de la gauche dite radicale sortait victorieux par les urnes et avait le droit de former un gouvernement.

Le soir même, devant le siège de l’université, les symboles de la résistance contre le gouvernement odieux d’Antonis Samaras étaient présents à la fête : les femmes de ménage licenciées par le ministère des Finances, les travailleurs d’ERT – la télévision publique supprimée –, des immigré.e.s présent.e.s dans la lutte antirasciste, des jeunes militants, des chômeurs, des travailleurs qui avaient subi une dure répression pendant la période 2009-2015.

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Grèce : Quelles suites à la victoire du « non » ?

11695409_1645274379018830_6784248538103977440_nAvec les anarcho-syndicalistes grecs, Alternative libertaire appelle à « transformer la défaite du capital en une victoire réelle de la classe ouvrière ». Il faut socialiser les banques, confisquer les entreprises qui ont fait du chantage au salaire et procédé à des lock-out déguisés, et les placer sous le contrôle des travailleuses et des travailleurs. Rompre avec le capitalisme est la seule façon de sortir de la crise.

Lors du référendum organisé par le gouvernement Tsipras le 5 juillet 2015, le peuple grec a massivement dit « non » au plan d’accord soumis par la Troïka (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) lors de la réunion de l’Eurogroupe du 25 juin 2015.

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