Par Greg (Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte) et Vince (CAL Paris Nord-Est)
Les paramilitaires, bras armés d’intérêts divers, capitalistes, opportunistes, et l’État, à chacun de ses échelons, ont attaqué une communauté zapatiste le 2 mai 2014. Le caracol de La Realidad a été le théâtre de nombreuses violences et a abouti au meurtre d’un des leurs, Galeano. Retour sur de tristes événements qui marquent une nouvelle phase de répression contre le mouvement zapatiste.
Depuis vingt ans, le mouvement zapatiste, qui s’est offert aux yeux du monde le jour, symbolique, de l’entrée en vigueur de l’accord de libre échange nord-américain (Alena) en 1994, s’est de nombreuses fois transformé, modifié, pour faire face aux conditions et au contexte auxquels il était confronté. Après le soulèvement armé, les négociations, les rencontres intergalactiques « aguascalientes », la création des caracoles (régions organisastrices des communautés zapatistes), et de longues années de construction de leur autonomie, leur dernière initiative publique leur aura permis d’inviter près de 6 000 personnes ces derniers mois, venues du monde entier, à partager leur quotidien et voir ce qu’est l’autonomie zapatiste, en pratique, au cours des différentes sessions de « l’escuelita », la petite école. Ces rencontres ont été l’occasion d’ouvrir des espaces de partage, de dialogue, de questionnement, de mise en perspective, de critique aussi, selon le principe de « caminar preguntando » (« avancer tout en se remettant en cause »), et en se posant la question politique de leurs actions. Toutes ces initiatives ont aussi été l’occasion de populariser la lutte des zapatistes à travers le monde, de répandre leurs pratiques autogestionnaires et leurs expériences diverses.
C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu les événements récents, et il est impossible de ne pas faire le lien. Le 2 mai, le caracol de La Realidad est attaqué. Un des « votàn » et « professeur » de la petite école, José Luis Solís López, dit Galeano, est assassiné.
Détermination et pacifisme
Soyons clairs, les relations et conflits entre zapatistes, non zapatistes, paramilitaires, diverses instances du gouvernement mexicain, locales ou fédérales, n’ont jamais cessé. Leur intensité a varié, mais les zapatistes y ont toujours fait face, de manière pacifique, par le poids de leur nombre et de leur détermination. Les membres paramilitaires d’un groupe clientéliste de paysans appelé la Centrale autonome des travailleurs agricoles et des paysans (CIOAC) ont, depuis des semaines dans la zone de la Realidad, alimenté un conflit et une tension avec les zapatistes, prenant pour prétexte un désaccord sur l’exploitation d’une carrière de graviers. Vols de véhicules, confiscation de chargements de médicaments, ont amené le conseil de bon gouvernement à chercher à trouver une sortie de conflit en convoquant les responsables de la CIOAC. Au cours d’une de ces réunions (en fait, la seule où les membres de la CIOAC ont daigné se présenter), les paramilitaires ont saccagé l’école et la clinique du caracol. Un autre groupe de paramilitaires a pris en embuscade un groupe qui revenait de travaux à l’extérieur du caracol. Attaqués à coup de pierres, de gourdins et de machettes, ce groupe a cherché à se défendre. Et c’est en se défendant que Galeano, qui était particulièrement visé, est tombé, sous les coups de bâtons, de machette, puis les coups de feu. Trois. Un dans la jambe, un dans le torse. Et un dernier, dans la tête. Une exécution. De nombreuses autres personnes ont été blessées.
Agression planifiée et ciblée
Cette attaque n’est pas à proprement parler un affrontement. C’est une agression. Planifiée, organisée, et, semble-t-il, ciblée. La situation est telle que pour la première fois depuis la fin des combats en 1994, les zapatistes « civils », le conseil de bon gouvernement de la zone, à qui toute l’initiative politique et d’organisation de l’autonomie zapatiste a été confiée depuis longtemps, constatent ne pas pouvoir faire face, et font appel à l’EZLN, malgré les conséquences que ceci peut avoir. En effet, si la partie civile est tolérée, les membres de l’EZLN en armes sont, eux, toujours recherchés par le gouvernement. Leur implication modifie donc la situation des communautés et le rapport de force face à l’État mexicain.
La situation s’est donc particulièrement tendue ces derniers mois, et la mobilisation, la solidarité et la vigilance internationale sont aujourd’hui primordiales, par des actes de solidarité concrets ici, par la participation à la Sexta [1] dans les milieux militants et à la diffusion des idées des companeros du Chiapas et de leur combat pour l’autonomie et l’émancipation.
Les zapatistes, malgré la tristesse, ne sont pas abattus. Ils ont de la rage, et cette agression ne fait que renforcer leur rébellion. À nous de les soutenir, et de répondre présent.