Par le Front Syndicalistes Libertaires de l’UCL

Alors que l’OMS déclare que la flambée de COVID-19 constitue une pandémie, le gouvernement en affaires courantes a annoncé jeudi soir la mise en application de diverses mesures visant à freiner la propagation du virus. (1)

Mesures qui semblent bien dérisoires pour enrayer la pandémie sur le territoire. 

Force est de constater que les années de politique austéritaire imposées par les gouvernements successifs ont un impact négatif sur la gestion de la crise du coronavirus. Cela se traduit par un sous–effectif, un sous-financement et un sous-équipement matériel des services de santé ! L’absence de mesures gouvernementales visant à intervenir dans la prise en charge des frais (médicaux, perte de salaires, …) liés à cette pandémie précarise toujours plus les classes populaires et prouve que nous ne sommes pas tout·e·s égaux·les face à une telle crise sanitaire.Nous condamnons également l’absence d’aide envers les travailleur·euse·s les plus précarisé·e·s comme les jobistes et les sans-papiers qui ne bénéficieront pas d’un potentiel chômage temporaire et devront donc subir une absence totale de salaire. 

Nos vies valent plus que leurs profits

Les mesures actuelles prises par le gouvernement (phase fédérale) sont révélatrices du « deux poids deux mesures » dans la gestion de la pandémie de coronavirus. D’un côté, le gouvernement impose une fermeture aux acteur·rice·s économiques de l’Horeca, du milieu culturel et associatif ainsi qu’aux petits indépendants (qui sont les plus vulnérables économiquement) mais de l’autre côté, le gouvernement maintient l’activité des grandes entreprises où la concentration de travailleur·euse·s et donc le risque de contagion – sont les plus importants.De plus, cette mesure met également en danger les proches des travailleur·euse·s qui se retrouvent à devoir choisir entre laisser leurs enfants à l’école (transformée en garderie de secours) ou à les confier à leurs grands-parents (personnes à risque).

Même dans une situation de crise sanitaire, l’Etat prouve – par son action – qu’il ne défend pas l’intérêt collectif en offrant des privilèges aux classes possédantes. Ainsi, tout est fait pour que les mesures de santé publique entravent le moins possible le « bon fonctionnement » du Capital. Hormis quelques recommandations visant à favoriser le télé-travail, l’hygiène et la « distanciation sociale », aucune mesure n’est réellement prise pour garantir la santé des travailleurs·euse·s dans les grandes entreprises (sans parler des secteurs dans lesquels ces mesures sont inapplicables).  Nous ne pouvons que constater qu’à l’heure actuelle, c’est l’ensemble des travailleur·euse·s du secteur public (en particulier dans les soins de santé) et du secteur privé qui sont laissé·e·s complètement à la merci du coronavirus et de la volonté du patronat, souvent sans la moindre mesure de prévention des infections et sans même assainir le lieu de travail.

Quand c’est dur pour tout le monde, c’est pire pour les femmes

Les femmes – à cause d’une attribution de rôles de genre hétéro-patriarcal – sont majoritaires dans les secteurs dont l’activité ne permet pas le télétravail et qui sont nécessaires à la vie de toute la population : infirmières, caissières, enseignantes, assistantes maternelles et employées de crèche, secrétaires médicales, personnel d’entretien,… Elles sont de plus celles qui ont la charge des enfants (et pas seulement dans les familles monoparentales). Elles sont aussi celles qui sont mal payées, qui ont des horaires hachés qui ne permettent pas de s’organiser pour la garde des enfants. Elles ont aussi en charge les personnes âgées des familles. En grande majorité, ce sont les femmes qui vont porter (et qui portent déjà) le poids de l’épidémie… (2) 

Les travailleurs·euse·s confrontés au plus grand risque de coronavirus, selon le métier.

Strike against COVID19

Le système capitaliste, conduit par la logique du profit, néglige la santé des travailleur·euse·s en considérant que le maintien de la production est plus important que la vie humaine. 

Face à la menace que le patronat fait peser sur notre santé et celles de nos proches, de plus en plus de travailleur·euse·s prennent conscience de la nécessite d’arrêter le travail sans attendre les mots d’ordre des directions syndicales qui se sont montrées jusqu’ici complètement muettes.
Ainsi, vendredi dernier, une grève spontanée a perturbé la circulation des bus TEC. Les travailleur.euse.s déplorent les mesures insuffisantes prises dans les transports en commun pour lutter contre la propagation du coronavirus Covid-19. 

Ce lundi matin, les travailleur·euse·s de l’usine Audi de Forest (3) sont en grève pour réclamer des masques et des gants ainsi que pour dénoncer l’impossibilité de respecter sur la chaîne de production la distance de sécurité conseillée entre deux personnes afin de se protéger du coronavirus.

Dans toute l’Italie, à l’appel du syndicat de base SI Cobas, les arrêts de travail et les grèves spontanées de la production se multiplient et pourraient conduire dans les prochains jours à un dépôt de préavis de grève générale. Les travailleur·euse·s de différents secteurs se sont ainsi mis·e·s à l’arrêt, faute des conditions minimales de sécurité . Comme en Belgique, le gouvernement italien ferme les écoles et les magasins alors que les entreprises restent ouvertes sous la pression des principales associations patronales, menaçant ainsi des millions de travailleurs·euse·s. (4)

Dans la situation de pandémie actuelle, la priorité est la protection de la santé et des salaires des travailleur·euse·s. Si les salarié·e·s, les intérimaires et les apprenti·e·s peuvent bénéficier d’une indemnité en cas de chômage temporaire pour force majeure (sous certaines conditions), ce n’est évidemment pas le cas pour les jobistes étudiant·e·s, les faux-indépendants (Deliveroo, Uber, etc.), les travailleur.euse.s du sexe, les artistes et encore moins le cas pour les dizaines milliers de travailleur·euse·s sans papiers en Belgique. Notons également la situation des prisonnièr·e·s confiné·e·s dans des établissements dont le niveau d’hygiène est déplorable. Au délà de la critique du modèle carcéral bourgeois, il parait urgent de solutionner cette situation où la concentration de population risque bien d’amener à des désastres sanitaires et humains.

Les arrêts de travail spontanés et les grèves sauvages, sont non seulement légitimes mais également une mesure de santé publique à disposition du prolétariat. Dans ce sens, nous appelons les travailleur·euse·s à entrer en grève pour leur propre santé et la santé des plus faibles afin d’éviter l’effondrement du système de santé. 

Cependant, cela ne pourrait suffire, pour faire face à l’absence de revenus et aux frais médicaux, il nous faut réclamer d’urgence un « revenu de base » pour l’ensemble de la population, la gratuité totale des frais médicaux, la suspension des loyers, la régularisation de l’ensemble des sans-papiers sur le territoire et l’engagement de personnel supplémentaire dans les secteurs essentiels pour la fourniture des nécessités de base.

SI Cobas a ouvert l’état d’agitation nationale, en italie, pour la protection de la santé des travailleurs.

Organisons l’entraide et la solidarité

La crise sanitaire que nous connaissons met plus que jamais en exergue la faillite d’un État acquis aux thèses néo-libérales qui s’est acharné à détruire la sécurité sociale et notre système de santé (obtenu par la luttes de classes) depuis des décennies. Un gouvernement provisoire, fut-il doté de compétences élargies, ne parviendra pas à réparer plus de 40 ans de destruction néolibérale. Ce que révèle la crise du coronavirus, c’est qu’aujourd’hui l’État n’est plus capable de fournir l’ensemble de services de base à la population ; que ce soit pour la santé, le logement ou la nourriture.  

Si la situation semble moins alarmiste qu’en Italie, ce constat doit nous préoccuper. Pour autant, rien ne sert de sombrer dans le désespoir et la panique. La question que tout révolutionnaire doit désormais se poser est ; que pouvons-nous faire ?

Pour les plus précaires d’entre nous et pour l’ensemble de notre classe, l’heure doit être à la mobilisation et à la prise d’initiative pour organiser l’entraide et la solidarité. Pensons aux personnes âgées dans notre quartier ou notre immeuble qui ne peuvent aller faire leurs commissions, ou aux personnes malades qui n’ont pas accès à des soins de santé abordables, pensons à celles et ceux qui doivent s’occuper de leurs enfants et travailler en même temps (majoritairement des femmes), pensons aux travailleurs·euse·s précaires qui vont se retrouver du jour au lendemain sans le moindre revenu. 

Partout, des initiatives d’entraide voient le jour, les habitant·e·s des quartiers reconstruisent des pratiques de solidarité, les gens s’organisent et tissent des réseaux d’entraide. Inventons, encourageons, développons ces pratiques en Belgique. Ancrons le travail militant dans les besoins réels de la population afin de développer des organisations populaires capables de se substituer à l’État. 

Des sacs de nourriture à livrer lors d’une collecte organisée par des bénévoles à Boston.

La propagation du coronavirus est en train de mettre en lumière une crise sociale en Belgique, plus profonde et plus ancienne que la pandémie. Cette crise de l’état social est le résultat de décennies de politiques néo-libérales accentuées encore plus ces dernières années. Il est fort à parier que le capitalisme tardif nous réserve encore de nombreuses crises (certain·e·s parlent déjà d’une nouvelle crise économique). Dans ce contexte les classes populaires ne peuvent plus compter sur l’État capitaliste. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces et sur notre propre pouvoir d’agir, collectivement et de manière autogestionnaires. Construire le pouvoir populaire doit être un outil mais aussi un objectif pour lutter contre le système capitaliste pourrissant.

Face à la faillite et à l’inadéquation de l’État pour protéger les classes populaires, nous soutenons et encourageons le renforcement des relations et des réseaux de solidarité et de soutien à tous les niveaux qui, selon nous, constitue la base même non seulement de l’autodéfense, mais aussi le point de départ essentiel pour pratiquer et imaginer un monde différent basé sur l’autogestion. 

Nous exigeons :

  • La fermeture de toutes les activités non essentielles pour la fourniture des nécessités de base.
  • Maintien du plein salaire pour tout·e·s.
  • Un revenu de base extraordinaire pour l’ensemble de la population
  • Des primes de pandémie pour les travailleur·euse·s dans le système de la santé et dans les supermarchés.
  • La régularisation de tou·te·s les sans-papiers.
  • La suspension des loyers.
  • Gratuité des services de première nécessité (eau, gaz, électricité, …).
  • La gratuité effective des soins de santé.
  • Le refinancement des soins de santé public.
  • La réquisition des hôpitaux privés.
  • L’engagement de personnel supplémentaire dans la santé.
  • Une forme alternative de détention pour les détenu·e·s ou amnistie.

Sources:
1: https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_coronavirus-suivez-la-conference-de-presse-du-gouvernement-federal-en-direct-video?id=10455207
2:(Anglais) https://www.nytimes.com/interactive/2020/03/15/business/economy/coronavirus-worker-risk.html
3: https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_coronavirus-la-production-a-l-arret-chez-audi-brussels?id=10458940
4: (Italien) https://www.sulpanaro.net/2020/03/coronavirus-cobas-agitazione-nazionale-situazione-modena/

Sur les initiatives d’entraide aux USA : https://itsgoingdown.org/autonomous-groups-are-mobilizing-mutual-aid-initiatives-to-combat-the-coronavirus/