Voici un article du magasine Huck que nous avons traduit de l’anglais car il décrit l’expérience d’un réseau de solidarité, SolFed, en Angleterre, comme nous le connaissons également à Bruxelles. En effet, le Réseau Bruxelles Solidarité, souvent appelé BruSol, utilise, à partir des mêmes principes, l’action directe et la solidarité pour défendre les locataires ainsi que les travailleur·euses. Celui-ci a été créé sur le modèle du réseau de solidarité Seattle Solidarity Network, SeaSol, à Seattle aux USA. Fortement inspiré des outils des Industrial Workers of The World (IWW) ces réseaux de solidarité cherchent à renforcer le pouvoir de notre classe contre celui des dominants.
Voici comment se décrit BruSol sur son site : « Nous sommes un réseau de soutien mutuel entièrement bénévole, ouvert aux locataires, avec ou sans logement et aux travailleur·euse·s avec ou sans emploi, actif·ve·s ou retraité·e·s.
Nous avons recours à l’action directe collective pour lutter contre les employeurs et les propriétaires qui nous exploitent, empochent nos salaires, nous refusent des réparations, volent nos garanties locatives, nous trompent et/ou nous abusent d’une façon ou d’une autre. »
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Les anarchistes aident les étudiant·es à s’attaquer aux propriétaires. Ça s’appelle SolFed.
Tout au long de la pandémie, le gouvernement a négligé les étudiant·es, notamment en matière de logement. Mais un groupe de militant·es de la vieille école intervient et utilise sa politique radicale pour se battre pour la jeune génération.
Parmi les nombreuses épreuves et tribulations de la vie étudiante, les rapports avec les agents immobilier de location et les propriétaires sont les plus éprouvants. Qu’il s’agisse du vol de la caution ou de conditions de vie dangereuses, les difficultés liées au logement étudiant sont sans fin. Pendant la pandémie, ces problèmes n’ont fait que s’aggraver. D’innombrables étudiant·es sont maintenant confronté·es à une crise du logement et sont enfermé·es dans des contrats d’un an pour des maisons dans lesquelles ils et elles ne peuvent pas légalement vivre. Il est clair que la façon dont les propriétaires et les agents de location traitent les étudiant·es doit changer.
C’est là qu’intervient un groupe de militant·es anarcho-syndicalistes de la vieille école, qui aide les étudiant·es précaires à affronter leurs propriétaires douteux. Formée en mars 1994, la Solidarity Federation (plus connue sous le nom de SolFed) est une fédération de groupes à travers le Royaume-Uni et l’Irlande qui se battent pour les droits des travailleur·euses et des locataires. L’anarcho-syndicalisme est une philosophie politique qui considère que le syndicalisme révolutionnaire est nécessaire pour que les travailleur·euses reprennent le contrôle de l’économie et de la société en général. En tant qu’école de pensée, elle souligne l’importance de la démocratie directe et de la solidarité.
L’éthique derrière le SolFed est anti-hiérarchie et anti-autoritaire. Dans une période d’incertitude pour d’innombrables étudiant·es, ces anarchistes n’aident pas seulement la jeune génération, ils et elles contribuent également à ouvrir la voie à une plus grande responsabilité dans le secteur locatif privé.
Faisant écho au sentiment du National Unemployed Workers Movement, du Plan C et d’une pléthore d’autres mouvements militants, le groupe fait campagne contre le capitalisme « parce qu’il exploite, opprime et tue les travailleur·euses et détruit l’environnement pour le profit dans le monde entier ».
Leurs objectifs stipulent qu’à la place de la hiérarchie gouvernementale et des privilèges des classes qui contrôlent l’État par l’oppression et l’exploitation, « nous voulons une société basée sur l’autogestion des travailleur·euses, la solidarité, l’aide mutuelle et le communisme libertaire ».
Le groupe affirme que les problèmes auxquels les travailleur·euses et les locataires sont confronté·es « sont très variés ». La lutte contre « tout ce qui défend ou contribue à notre qualité de vie mutuelle. Tout cela fait partie intégrante de la construction d’un mouvement de solidarité. »
Ruby* a rejoint SolFed en tant qu’adolescente en octobre 2018, après que l’organisation l’ait aidée dans les luttes qu’elle rencontrait pour emménager dans sa première maison d’étudiante après avoir quitté les résidences universitaires. « L’agence de location a continuellement retardé notre date d’emménagement, car il y avait des travaux de construction inachevés dont ils ne nous avaient pas parlé. Elle s’est ensuite retirée du contrat une semaine après la date d’emménagement, nous laissant sans abri et sans maison où emménager », explique-t-elle. Ruby raconte que l’agence de location a ignoré ses appels et a refusé de communiquer – à part lui dire, ainsi qu’à ses colocataires, de trouver un nouveau logement. « À l’époque, je faisais du couch surfing et je n’avais nulle part où aller avant le début de mes cours ».
« SolFed a organisé des lettres de mise en demeure et des piquets de grève pour tenter d’exercer une pression financière sur l’agence afin qu’elle nous accorde une compensation pour avoir rompu le contrat, car nous avons été obligé·es de déménager dans une propriété plus chère », explique Ruby.
L’agent de location n’a pas cédé, mais Ruby, inspirée par l’action de SolFed, a rejoint le groupe et s’est engagée à aider d’autres personnes à lutter pour leurs droits. « Ce que j’aime dans la politique de l’anarcho-syndicalisme et de SolFed en particulier, c’est que nous reconnaissons que les problèmes de travail et de logement nous affectent toutes et tous sous le capitalisme. La meilleure chose que nous puissions faire est de nous serrer les coudes et d’essayer de nous entraider, que ce soit en syndiquant un lieu de travail ou en défilant devant une agence de location avec des revendications. »
En tant qu’étudiant·e, même si vous avez la loi de votre côté, ce qui n’était pas le cas de Ruby, les litiges en matière de logement présentent une toute autre série de problèmes. La procédure devant le tribunal des petites créances peut être longue ; de nombreu·se·x étudiant·es ne peuvent pas se permettre d’attendre des mois pour une issue incertaine. Une étude du gouvernement a révélé que les dépenses moyennes d’un·e étudiant·e à temps plein vivant à Londres s’élèvent à 11 679 £, alors que le prêt maximum que vous pouvez obtenir est de 8 700 £. Comme d’innombrables étudiant·es ne peuvent pas trouver de travail dans le secteur de la vente au détail ou de l’hôtellerie pendant la pandémie, il est plus vital que jamais de se battre pour vos droits en tant que locataire.
Mais SolFed est déterminé à changer cela. Bien qu’elle soit notoirement vilipendée par la presse locale, l’action directe de SolFed est entièrement légale. L’action directe prend diverses formes, mais certaines des méthodes les plus couramment utilisées sont la diffusion d’informations par le biais de tracts, de bulletins locaux, et la tenue de réunions pour aider à sensibiliser aux problèmes et encourager la participation locale. SolFed indique sur son site web : « L’action directe ne se limite pas à la diffusion d’informations. Elle signifie une présence physique pour défendre et promouvoir une meilleure qualité de vie. »
Sans surprise, la lutte pour les droits des locataires a fait naître une camaraderie intergénérationnelle entre anarchistes chevronné·es et jeunes locataires. Cherchant ouvertement à défier le sexisme, l’âgisme, la transphobie, l’homophobie, le racisme et la discrimination fondée sur la capacité physique, SolFed est ouvert à tous. Alors que certains membres sont des activistes plus âgé·es et des retraité·es, il y a un afflux croissant d’étudiant·es et d’adolescent·es qui cherchent à participer.
Comme le dit un membre de SolFed à Huck, les propriétaires et les agents de location « profitent continuellement des étudiant·es en exploitant leur manque de connaissances ou d’expérience en matière de location ». Mais par le biais de divers événements communautaires, de brochures telles que « Stuff Your Landlord », largement distribuées, et de cours éducatifs, SolFed n’aide pas seulement les jeunes à se battre pour leurs droits – ils et elles les éduquent également sur leurs droits.
Les antennes locales comprennent les villes étudiantes populaires d’Aberdeen, Brighton, Bristol, Cambridge, Edimbourg, Leeds, Liverpool, Manchester, Londres et Plymouth. Dans les villes où les coûts de location sont grossièrement gonflés comme Brighton et Bristol, la solidarité contre l’exploitation des locataires est plus que jamais nécessaire.
En 2018, Brighton SolFed a gagné une affaire pour cinq locataires dont les toilettes débordaient d’excréments depuis six mois. Ce n’est que lors d’une visite de maison pour des locataires potentiel·les, six mois après avoir signalé le problème pour la première fois, que les étudiant·es ont appris qu’un incendie avait causé de graves dommages à la plomberie.
Comme cela n’avait pas été révélé aux étudiant·es avant qu’ils et elles ne signent le contrat, les locataires ont reçu une somme de 2218 £ après que les agents de location aient craint que SolFed ne rende l’affaire publique. Les agents de location avaient changé de logo un an plus tôt après être devenus célèbres pour avoir maltraité et exploité des étudiant·es.
« C’est par pure chance que nous avons entendu l’agent de location parler de l’incendie, car nous ne l’aurions pas su autrement. Lorsque nous avons signé le contrat de location nous pensions que c’était le genre de choses qu’on nous dirait d’emblée », explique Marcus*, l’un des locataires. « Notre affaire avec SolFed nous a permis d’en apprendre beaucoup sur ce à quoi nous avons droit en tant que locataires », poursuit Marcus, « et nous a empêché de nous sentir impuissant·es face à nos agents de location qui ont clairement profité de notre âge et de notre inexpérience ».
Une autre affaire de Brighton a consisté à aider quatre locataires qui ont été expulsé·es de force de leur maison après que le propriétaire ait tenté d’échapper à des amendes pour avoir loué la maison en tant que « maison à occupation multiple » (une propriété qui est louée par trois locataires ou plus qui ne font pas partie du même ménage) sans permis. Même dans les cas où les locataires sont favorisés par la loi, il est plus difficile qu’on ne le pense de demander justice et d’être indemnisé.
En 2019, l’organisation caritative pour le logement Shelter a suggéré que « près de trois millions de personnes en Angleterre sont à un chèque de paie de perdre leur maison ». Alors que le coût des loyers augmente chaque année, le salaire minimum a connu une augmentation lamentable. Les jeunes de 18 à 20 ans (l’âge de la plupart des étudiant·es) n’ont droit qu’à 6,45 £ de l’heure. Le coût total moyen prévu pour le logement des étudiant·es inscrits à un diplôme de trois ans est estimé à 14 742 £, hors frais de subsistance et dépenses universitaires. SolFed affirme que le fossé économique entre la plupart d’entre nous et les personnes logées de manière précaire est bien moins important que ce que l’on pourrait croire.
Les étudiant·es de l’ère de la pandémie ont été particulièrement touchés. Selon l’enquête nationale sur le logement étudiant, l’étudiant·e moyen·ne de 2020/21 a jusqu’à présent payé 1 621 £ de loyer pour des chambres vides pour lesquelles il/elle n’a pas reçu de remboursement. Pendant ce temps, plus de 1,8 million de propriétaires ont profité du congé hypothécaire offert l’année dernière.
Bien que le gouvernement ait mis en place des fonds de secours pour certain·es étudiant·es, d’innombrables étudiant·es sont dans l’impossibilité de quitter des contrats d’un an, signés avant que les universités n’annoncent que tout l’enseignement serait transféré en ligne. Bien que certaines universités remboursent les étudiant·es en résidence universitaire pour les logements inoccupés, les propriétaires n’ont aucune obligation de libérer les étudiant·es de leurs contrats.
Dans ces conditions, il est difficile d’ignorer la décision insensible du gouvernement de négliger continuellement les étudiant·es pendant la pandémie – mais cela ne fait que souligner pourquoi le travail de SolFed est si crucial. Les étudiant·es locataires ont désespérément besoin d’aide et le gouvernement n’a jamais réussi à demander des comptes au secteur locatif privé.
Mais, avec l’éducation et ce niveau de camaraderie, il y a toujours de l’espoir. L’espoir d’un avenir meilleur avec d’autres politiques, et l’espoir que nous sommes sur le point de mettre fin de manière radicale à l’exploitation systématique des jeunes locataires.
*Les noms ont été changés pour protéger les identités.
Traduit de l’anglais pas l’UCL Bruxelles. Article original sur Huckmag