Nous nous inscrivons dans une filiation historique qui prend ses racines aux débuts du mouvement ouvrier. Mais en même temps nous nous définissons comme un courant nouveau, produit d’une volonté de synthèses et de dépassements multiples.

Nous sommes dans la continuité des grands courants antiautoritaires de l’histoire, qui ont cherché à traduire les aspirations du socialisme spontané des travailleurs. Les collectivistes antiautoritaires de la première Internationale, les syndicalistes révolutionnaires et anarcho-syndicalistes, les communistes libertaires ou anarchistes communistes ont assuré la permanence d’un courant libertaire de lutte de classe dont nous nous réclamons.

Cette référence n’implique ni soumission à une doctrine figée ni apologie du passé. La référence est critique, elle n’épargne pas les faiblesses, les carences, les erreurs. Les tendances auxquelles nous nous référons sont vivantes, contradictoires, liées aux époques où elles sont apparues. Nous voulons bénéficier des acquis d’un courant majeur du mouvement ouvrier, et en rejeter tout ce qui nous semble dépassé ou erroné.

Nous sommes à la fois syndicalistes révolutionnaires (ou anarcho-syndicalistes) et communistes libertaires. Nous proposons donc une synthèse de l’ensemble des composantes libertaires « lutte de classe » et dans ce sens déjà nous constituons un courant nouveau.

Nous ne prétendons à aucun monopole. Diverses organisations et regroupements se réclamant d’une filiation libertaire existent. Nous sommes pour le débat, pour que les forces soient mises en commun aussi souvent que possible, sans nier les spécificités de chacun. Un même souhait de confrontations et d’unité nous conduit à refuser les sectarismes entre toutes les forces qui combattent le capitalisme.

Mais notre effort de synthèse ne s’arrête pas aux seuls courants libertaires. Nous cherchons une fusion des acquis positifs de l’ensemble des courants révolutionnaires.

L’avenir du marxisme révolutionnaire dans ce qu’il a de non jacobin, de non dirigiste, nous paraît être impensable, après la faillite historique du léninisme sans un ressourcement et une fusion avec le courant libertaire ouvrier. Et celui-ci a tout à gagner en intégrant, tout en le dépassant, le meilleur de Marx, du marxisme révolutionnaire et du conseillisme.

Nous faisons nôtre la recherche et la pratique d’une conception de l’histoire et d’une méthode d’analyse qui intègre les dimensions matérialiste et dialectique, échappant à un déterminisme économique simpliste et mécaniste. Avec Marx et Bakounine, nous nous opposons à une conception idéaliste de l’histoire, trop souvent d’un étroit moralisme ou manichéisme, et nous privilégions, à partir des facteurs sociaux, matériels mais également, dialectiquement, des facteurs culturels, psychologiques, conscients, la conception selon laquelle ce sont les hommes qui font leur histoire. Il y a, dans les débats menés aux premiers temps du mouvement ouvrier, avec leurs diversités et leurs contradictions, un grand capital de réflexion philosophique qu’il nous paraît nécessaire d’intégrer dans l’élaboration d’une conception de l’histoire et d’une méthode d’analyse actuelle, échappant au déterminisme économique tout en rappelant l’importance décisive des facteurs sociaux et matériels.

La synthèse que nous recherchons ne se limite pas non plus à une confrontation positive des courants marxistes révolutionnaires et libertaires. Nous nous tournons également vers les acquis d’autres courants révolutionnaires et radicaux : autogestionnaires, écologistes, féministes, gauches syndicales…

Ce processus d’ensemble, de synthèses et de dépassements, mais aussi d’innovations et d’intégrations aux conditions renouvelées de la lutte de classe, est une des conditions de l’émergence d’un nouveau courant dans le mouvement ouvrier à l’affirmation duquel notre organisation s’efforce de travailler.