L’antiféminisme fédère les courants d’extrême droite, qui partagent l’idée selon laquelle les hommes et les femmes sont inégalitaires par nature. C’est pour eux une partie intégrante de leur combat contre une société multiculturelle, métissée. Analyse de fond sur les stratégies et analyses masculinistes.
L’extrême droite allie les pensées réactionnaires, complotistes, confusionnistes, masculinistes, etc. Historiquement, les dynamiques racistes et xénophobes ont toujours fonctionné de pair avec les dynamiques misogynes et plus largement, patriarcales. D’ailleurs beaucoup parlent de « dérives genristes ou racialistes » pour qualifier les courants progressistes.
Parmi les lubies les plus conspirationnistes se trouve celui d’un féminisme qui chercherait à éloigner les femmes de leur rôle maternel pour faire chuter la démographie et permettre l’immigration ; aspect de ce que certains nomment la théorie du grand remplacement.
Dans le même ordre d’idée on retrouve les opposantes et opposants à la « théorie du genre ». Ces militantes et militants fantasment une manipulation de l’État et du corps enseignant, par les féministes, le « lobby gay » et la gauche dont le but serait par des programmes scolaires, d’assexuer ou d’agenrer les enfants. D’ailleurs, ils refusent de parler de genre, préférant utiliser le terme sexe, faisant ainsi fi des recherches et réflexions entamées depuis plus d’un demi-siècle.
Leur pensée, homophobe et transphobe s’est faite entendre lors de la Manif pour tous, renommée sobrement Marchons Enfants. On retrouve encore la peur d’un déclin démographique, cette fois liée aux personnes LGBTI. Les incels (« célibataire involontaire ») font partie des groupes masculinistes les plus connus, aux côtés des MGTOW (Men Going Their Own Way ou hommes ayant choisi de rester célibataires). Les incels, se considèrent comme des nice guys (mecs gentils), lésés par des femmes, bien qu’elles soient faites pour satisfaire les hommes, qui leur refusent relations sexuelles et amoureuses. Ils estiment ne pas avoir la place qui leur est due dans ce qu’ils nomment le « marché sexuel ».
Contre une société « gynocentrée »
Certains espèrent donc un retour à une société où les femmes seraient contraintes à des relations hétérosexuelles sans avoir le choix de leur partenaire. Imputant ainsi leurs frustrations au fait que les femmes aient gagné trop de droits et de libertés.
Les MGTOW ont pour leur part, pris la pilule rouge [1] du savoir et ont réussi à sortir du « mensonge » d’une société qu’ils disent gynocentrée, faite pour les femmes. Pour cela, ils ont choisi de ne plus avoir de relation amoureuse avec des femmes [2], et ainsi, selon leurs termes, ils quittent la « plantation ». Ce terme de plantation [3] fait référence à l’esclavage, car pour eux, les hommes qui ont pris la pilule bleue, sont esclaves des femmes.
Cette idéologie ne se limite pas aux fantasmes. Plusieurs campagnes de harcèlement se sont transformées en appel au meurtre et au viol de leur victime. Généralement, ces campagnes de harcèlements sont dirigées contre des femmes qui tiennent des propos féministes, osent se montrer et prendre la parole, mais aussi contre des femmes qui les ont quittés lors d’un divorce, ce qu’ils nomment un « Divorceviol » [4].
En France, le 6 novembre 2020, des masculinistes, notamment affiliés au forum Jeuxvideo.com [5], affublés de pseudonymes explicitement nazis, ont réussi à interrompre le colloque en ligne « Nos luttes changent la vie entière : 50 ans du MLF ». Ces stratégies de harcèlement sont aussi celles du vidéaste Youtube Raptor Dissident et de ses suiveurs. Raptor Dissident a des liens explicite avec l’extrême droite, depuis que ce dernier est à l’origine de Vengeance Patriote [6], un groupe d’extrême droite responsable de plusieurs agressions dont celle d’un journaliste et d’un local associatif à Montpellier, Le Barricade.
Harcèlement, intimidations, violence et attentats
Comme pour le reste des courants d’extrême droite, le passage à l’acte peut aller jusqu’à l’attentat terroriste. Ainsi, Marc Lépine, en 1989, assassinait six étudiantes à l’École polytechnique de Montréal ; en 2014, Elliot Rodger tuait six personnes dans un campus californien, Alek Minassian en 2018, massacrait dix personnes et faisait une quinzaine de blessé·es. Elliot Rodger, premier à se revendiquer incel et passer à l’acte, écrivait sur Youtube : « Je ne sais pas pourquoi vous les filles, vous n’avez jamais été attirées par moi, mais je vais vous punir pour tout ça. »
L’antiféministe et l’extrême droite entretiennent des liens explicites. On pense notamment aux mots du terroriste néonazi, Anders Breivik qui écrivait : « il faut parfois tuer des femmes, même si elles peuvent être très attirantes ». Plus récemment parmi les attaques racistes et sexistes, on peut retenir celles des 6 et 7 juin dernier, où les masculinistes et suprémacistes blancs, pour déstabiliser le mouvement Black Lives Matters, lançaient un faux appel qui demandait aux femmes de se raser le crâne pour montrer leur soutien à la cause. De nombreuses photos de femmes chauves, avaient été partagées sans l’accord de leurs propriétaires, qui pour beaucoup avaient suivi une chimiothérapie. #gobaldforBLM fit dans la journée le tour du monde avec pour principe affiché celui de raser le crâne des femmes jugées traîtresses parce qu’elles soutenaient les noir·es américains. Il n’est donc pas complexe de voir les liens entre racisme et sexisme.
Face à ces attaques de groupes qui fonctionnent en réseaux entre le Nord de l’Amérique et l’Europe, il nous faut rester solidaires et intersectionnel·les. Et s’organiser de façon internationale, pour comprendre, déconstruire et mieux lutter contre ces idées nauséabondes qui visent à nous retirer nos libertés.
Sarah V