L’anarchisme sud-américain est peu connu des communistes libertaires d’Europe. Pourtant, l’idéologie libertaire continue de s’enrichir de pratiques nouvelles.

Doté·es d’organisations fortement structurées ayant pour certaines survécues à des années de dictature et au plan Condor [1], les anarchistes d’Amérique latine continuent de construire, patiemment, le pouvoir populaire.

Les éditions Alternative libertaire ont donc fait le choix de traduire et d’éditer ce livre, pour diffuser et faire connaître les stratégies et pratiques de l’anarchisme dit « spécifiste » ou « espécifiste ».

C’est au travers d’une longue discussion durant laquelle Felipe Corrêa, militant de la Coordination anarchiste brésilienne, interroge Juan Carlos Mechoso, militant et membre fondateur de la Fédération anarchiste uruguayenne (fAu), que nous apprenons comment c’est forgé ce courant et quels en sont les principales particularités. Le spécifisme, est lié à un contexte et à une histoire, il n’est pas le résultat ou une copie des stratégies occidentales et du plateformisme, mais le fruit d’une réflexion longue et poussée pour comprendre et trouver les meilleures formes d’organisations adaptées au contexte sud-américain.

On trouvera ainsi dans cet ouvrage des réflexions sur les différentes formes d’organisations, sur la conception matérialiste de l’anarchisme et de la société, mais aussi de nombreuses considérations stratégiques en vue du développement du pouvoir populaire et de ce qui est l’un des axes centrales du spécifisme, la stratégie du « Front des classes opprimées ».

Entre autres sujets rarement abordés par notre courant, un chapitre est dédié aux fonctionnements de l’OPR-33 [2], la branche armée de la fAu dans les années 1960-1970, crée pour répondre aux besoins matériels de l’organisation et pour résister face aux prémices de la dictature militaire.

Lutte armée et lutte syndicale

Bien que méconnu en Europe, Juan Carlos Mechoso est l’une des références les plus importantes de l’anarchisme en Amérique latine. Né en 1935, il fût d’abord militant d’un centre social de la banlieue de Montevideo, puis sera plus tard représentant syndical des travailleuses et travailleurs de l’industrie de la viande d’abord, et du graphisme ensuite. Participant activement à l’OPR-33, il fût emprisonné et torturé pendant douze ans par la dictature militaire, dès sa libération il sera l’un des pilier de la refondation de la fAu.

Nous espérons avec ce livre pouvoir répondre à l’intérêt et aux nombreuses questions qui sont apparue ces dernières années autour de l’especifismo et ainsi aider à mieux faire connaître ce vaste et riche courant latino-américain.

Bast (UCL Lyon)

Mensuel Alternative Libertaire, avril 2021