par San vincente (AL Bruxelles)

BankFonder une nouvelle banque populaire qui serait au service de notre « économie réelle ». Une banque qui investirait dans des projets écologiques et locaux. Une banque dont les gestionnaires ne seraient pas de pompeux individus en costards avides de faire des profits avec l’argent que les quidams leur confient. Car n’est-ce pas là tout le nœud de la crise à laquelle nous devons faire face, la financiarisation de notre économie et son corollaire, les banques mastodontes ?

Ce genre de solution n’est que l’expression d’une analyse erronée de la crise que traverse actuellement le système économique. De la même manière que la financiarisation n’est que le symptôme de cette crise structurelle frappant le capitalisme. Cette crise c’est l’incapacité du système depuis les années 70 à contre-carrer la baisse tendancielle du taux de profit du système par une restructuration de l’appareil productif comme le fut la révolution fordiste par exemple. Pour palier à ce déficit chronique, le système s’embourbe toujours plus profondément dans des montages de bulles spéculatives dans le but de ne pas mourir asphyxié par le manque de plus-value. La financiarisation n’est donc pas la conséquence d’un complot des banquiers mais uniquement la planche de secours du système par rapport aux déficiences de l’appareil productif.

Partant de cela, on voit déjà que la solution constituée par la banque populaire perd de sa superbe. On peut continuer notre réquisitoire. Pour quelles raisons une telle banque fonctionnerait-elle de manière différente d’une banque classique ? Les gestionnaires seraient-ils meilleurs que les autres ? Est-ce donc un problème d’individus trop corrompus ? Il est sûr que, oui, certains de ceux-là sont sans scrupules mais cette analyse moraliste ne permet pas un réel éclaircissement sur le sujet et elle ne fait que constituer des figures du mal absolu. Surtout qu’il nous faut toujours garder à l’esprit que la fonction fait l’homme et non l’inverse. Ainsi, les défis auxquels auront à faire face les valeureux gestionnaires populaires seront exactement les mêmes que les vicieux et vilains gestionnaires habituels.

Le défi principal reste et restera toujours de trouver le meilleur moyen de faire fructifier l’argent des actionnaires et accessoirement celui des déposant. En conséquence, dans le cas d’une banque coopérative, le problème de la fructification de l’argent ne disparaît pas, il est juste simplifié (les fonctions des actionnaires et des déposants sont juste réunies) mais reste entier. Or la problématique reste toujours insoluble, où investir puisque le rendement dans l’économie réelle n’est pas au rendez-vous ? Certes il existe des filières rentables mais que l’on doit qualifier de peu éthique (l’armement, les usines de la misère des pays en voie de développement, etc) surtout que l’objectif affiché n’était-il pas de mettre son épargne au service de l’économie réelle ? Il y a bien les secteurs verts qui sont présentés par nos décideurs politiques comme l’avenir économique. En réalité, ces secteurs ne sont que d’énormes bulles spéculatives nourries par les subventions étatiques. On remarque d’ailleurs que dés que les subventions cessent, le secteur s’effondre.

Toutes les banques qui posent problèmes actuellement en Belgique (Dexia ou Fortis) sont à l’origine des banques liées totalement à notre « économie réelle ». Dexia n’est autre que l’ancienne banque des crédits communaux. Le problème posé par une banque est le même que pour une entreprise. Pour survivre dans l’économie capitaliste, il faut grandir sinon c’est l’absorption par plus fort que toi et donc a fortiori la problématique reste entière pour les banques coopératives. Et il en va exactement de même pour une banque privée ou publique. Cette fausse solution, ce n’est en fait qu’une tête supplémentaire à l’hydre capitaliste qu’il appartient de détruire à ceux qui veulent changer la société. Car au delà de l’inefficacité, même dans les critères capitalistes, cette option n’est en réalité pas une rupture avec le système capitaliste. Il ne s’agit qu’un mode de gestion de celui-ci. La crise à laquelle nous faisons face est totale, il nous faut donc rentrer en rupture également totale avec ce système.