Par Laurent Esquerre (AL Paris nord-est)
À l’occasion de l’inauguration du nouveau siège de la BCE à Francfort le 18 mars prochain, les anticapitalistes allemands et de toute l’Europe s’organisent pour jouer les trouble-fête.
Mercredi 18 mars 2015, les chefs d’état de l’Union européenne et tout ce que l’Europe compte de gros bonnets de la banque et de la finance se retrouveront à Francfort pour inaugurer le nouveau siège de la Banque centrale européenne (BCE) dans une atmosphère de fête.
Ce rassemblement sera celui d’une oligarchie qui entend célébrer et mettre en scène sa puissance. Celle-ci est symbolisée par un édifice surmonté d’une tour de verre et de béton haute de 185 mètres.
L’architecture monumentale parle pour elle-même : elle se veut intimidante à l’image de cette composante de la troïka [1]. Le coût de ce temple de la finance est à l’avenant, puisque la note s’élève à ce jour à 1,3 milliard d’euros. Cette gabegie est d’autant plus révoltante que la BCE est un des principaux leviers des politiques d’austérité qui frappe des centaines de millions de travailleuses et de travailleurs en Europe. Un grand projet inutile, un de plus.
C’est la raison pour laquelle la coalition Blockupy entend jouer les trouble-fête, perturber et gâcher le plus possible, cette autocélébration du pouvoir du capital par des actions de blocages, des manifestations et toute autre sorte d’actions.
Ce 18 mars constituera donc une opportunité pour mettre en accusation non pas seulement une institution mais plus globalement le système capitaliste et montrer que les états ne sont que les instruments zélés au service de ce système d’oppression. Mais qu’est-ce que Blockupy ?
Blockupy est une coalition ou front que l’on peut qualifier, sans abus de langage, d’anticapitaliste tant dans son discours que dans ses modes d’action. Il a été créé en 2011 et regroupe des forces aussi diverses qu’Attac, la fédération des services (Ver.di) de la confédération syndicale DGB, Action antifasciste, die Linke (qui est l’équivalent du Front de gauche en Allemagne), Die interventionnistische Linke (organisation issue de la mouvance autonome qui rassemble aussi des libertaires, des autogestionnaires, des antifascistes, féministes et écologistes radicaux), Ums Ganz (organisation se réclamant du communisme et également issue pour partie de l’autonomie), le Revolutionnäre sozialistische Bund (section allemande de la IVe Internationale).
Blockupy entretient des relations avec des organisations d’une quinzaine de pays d’Europe dont Syriza (Grèce), les syndicats belges, Attac, Solidaires, Alternative libertaire et le NPA en France.
Construire un réseau anticapitaliste européen
Blockupy a déjà organisé d’importantes mobilisations à Francfort contre la BCE en 2012 et 2013 avec à chaque fois autour de 20 000 participants et participantes et une répression particulièrement sévère de la part des forces de police. On y trouve aussi le réseau Altersummit qui a pris la suite des Forums sociaux européens et s’efforce par ailleurs de mobiliser contre les traité transatlantiques de libre-échange en cours de négociations secrètes entre Europe, États-Unis et Canada. L’enjeu de la mobilisation du 18 mars 2015 n’est pas que symbolique. Au-delà du symbole visé, il s’agit d’affirmer une solidarité de classe par-delà les frontières et de construire un réseau de lutte contre les politiques d’austérité imposées par les États et voulues par le capital.
Les rencontres qui se sont tenues à Francfort du 20 au 23 novembre dernier (voir Alternative libertaire n° 245 de décembre) ont permis de lancer la mobilisation pour le 18 mars et de renforcer les liens avec les organisations d’une quinzaine de pays de l’Union européenne.
Blockupy témoigne à la fois d’une volonté de radicalisation sur des bases anticapitalistes et d’élargissement en direction des mouvements sociaux. Voilà qui contraste avec l’orientation du collectif Alternative à l’austérité qui entend inscrire son action avant tout dans un projet de reconstruction d’une gauche institutionnelle à la gauche du PS. Cela dit l’orientation de Blockupy et sa volonté de construire un mouvement de lutte par en bas ne sont pas le fruit d’un heureux hasard. Elles s’expliquent par la volonté des forces anticapitalistes de participer pleinement à ce réseau et de lui donner un souffle. Une attitude bien différente de ce qui se passe en France où à l’exception d’AL et du NPA, les autres forces anticapitalistes se sont efforcées de se maintenir le plus possible à l’écart des mobilisations anti-austérité depuis un an.
Enfin cette échéance du 18 mars se prépare dans un contexte marqué par la multiplication de journées de grève générale en Grèce (27 novembre), Italie (12 décembre), Belgique (15 décembre) où les syndicats optent pour une attitude plus offensive face à des pouvoirs de plus en plus réactionnaires (par exemple les actions de blocage du sommet de l’UE le 19 décembre). Voilà autant de raisons pour faire front avec Blockupy et de se déplacer en nombre à Francfort le 18 mars.