Par AL BXL
Alternative Libertaire Bruxelles tient à se solidariser avec tout-e-s les manifestant-e-s qui ont subi la répression policière ce dimanche 31 mars 2019 dans le cadre de la marche pour le climat. Les événements de dimanche, qui ont conduit à l’arrestation de plus de 70 manifestant-e-s, s’inscrivent dans la continuité des violences policières que subissent les Gilets Jaunes depuis le début du mouvement en Belgique. Mouvement qui a été systématiquement étouffé par l’Etat bourgeois. Comme à son habitude, ce dernier réprime dans la violence les mouvements sociaux qui s’éloignent des chemins balisés de la contestation autorisée. Les classes populaires, les révolutionnaires, les mouvements antiracistes, féministes, LGBTQI+ subissent ainsi cette violence depuis des années.
Pour nous, il n’y a qu’une seule ligne de conduite à opposer aux attaques de l’État capitaliste : se serrer les coudes et faire front le plus largement possible.
Cela ne semble pas avoir été la voie empruntée par les organisateur-trice-s de la 5ème marche pour le climat, qui ont collaboré, tout au moins passivement, à la répression d’une partie de la manifestation. Face à la combativité des Gilets Jaunes présent-e-s en nombre, les organisteur-trice-s ont, semble-t-il, pris peur et ont préféré faire front avec la police, facilitant ainsi l’intervention de cette dernière au sein de la manifestation pour nasser et arrêter les Gilets Jaunes devenu-e-s à leurs yeux indésirables. Par impréparation ou, pire, sciemment, les stewards de la manif climat ont joué le rôle d’auxiliaires aux forces de police.
Pire encore, en guise de justification, les organisateur-trice-s ont rapidement repris à leur compte le récit policier et médiatique des prétendus « casseurs ». Ils/elles légitiment ainsi la répression et se désolidarisent des manifestant-e-s arrêté-e-s. Il semblerait donc que pour certain-e-s « climateux-ses » la convergence des luttes soit à sens unique. En effet, elle n’apparaît valable que lorsqu’elle se plie exclusivement à leurs méthodes et leurs conceptions de l’action politique, forcément pacifiques, forcément activistes.
Nous pouvons avoir toutes les critiques que nous le souhaitons sur la pertinence, à un moment ou l’autre, de certains modes d’actions et les tentations avant-gardistes de certain-e-s. Néanmoins, il sera toujours inacceptable, de notre point de vue, de livrer d’autres composantes du mouvement à la vindicte policière.
Nous ne portons pas de jugement envers celles et ceux qui optent pour la non-violence (quand bien même il s’agit pour nous d’une question stratégique et non morale) et nous comprenons le caractère familial des marches pour le climat. Cependant, nous estimons qu’il est possible d’assurer la sérénité de tou-te-s les manifestant-e-s sans pour autant en livrer une partie à la police. Cela demande de prendre au sérieux, comme nous le rappelons depuis des années, la question de la sérénité organisée en manifestation. Le rôle d’un service d’ordre est de se prémunir des agressions extérieures, qu’elles soient policières ou fascistes, et non pas, rappelons-le, de jouer aux auxiliaires de police. Se retrancher derrière la « peur » ne justifie donc en rien ce qu’il s’est passé dimanche et apparait comme un argument fallacieux. De plus, de notre expérience, c’est justement quand les organisateur-trice-s tolèrent l’intervention de la police dans les cortèges que la situation a le plus de risque de dégénérer, tant celle-ci est force de désordre.
Les évènements de dimanche ont une fois de plus mis en exergue les rapports de domination qui existent au sein même du mouvement climat. A chaque fois que les questions sociales, décoloniales ou féministes sont venues bousculer l’agenda du mouvement, celles-ci se sont cognées à la résistance, voire à l’hostilité de certain-e-s organisateur-trice-s auto-proclamé-e-s. Pourtant, la réalité de l’urgence climatique pose la nécessité de construire un large front des classes subalternes racisé-e-s, femmes, prolétaires, premières victimes d’un système capitaliste basé sur l’exploitations des travailleur-euse-s, du Sud global et de la nature. Force est de constater que dans le mouvement climatique, c’est l’inverse qui se passe : le sujet climatique est accaparé par les classes moyennes et supérieures et par conséquent c’est leurs intérêts de classe qui s’imposent à l’agenda de toutes et tous.
Ce malaise, au fil des semaines, nous sommes de plus en plus nombreux-ses à le ressentir : construire un front climatique des subalternes devient donc chaque jour un peu plus une nécessité.
Les évènements de ce 31 mars posent la question suivante : dans quelle mesure les organisateur-trice-s de la marche aspirent vraiment à un changement sociétal d’ampleur, impliquant une remise en question de leur propre système de privilèges ? Rompre avec le système en place demande pourtant une opposition frontale au parti de l’ordre qui profite de ce système injuste et qui n’a aucun intérêt au changement…
Une réelle convergence des luttes ne se fera qu’au prix d’une profonde remise en question du mouvement climat, de ses méthodes et de ses objectifs. Sans cela, les appels à lier les enjeux sociaux, féministes, antiracistes et climatiques, resteront malheureusement des vœux pieux… Les événements de dimanche nous rappellent encore une fois l’urgence de construire un front climatique des subalternes, premièr-e-s concerné-é-s par le changement climatique.
La solidarité est notre arme !
L’urgence climatique, sortir du capitalisme !
Illustration : streetpolitics