Article publié par nos camarades de l’ACG en Grande Bretagne – Anarchist communist group – et traduit par l’UCL. Après le constat de la mise sous tension du capitalisme par la crise qu’il a lui même créé, nos camarades de l’ACG font l’analyse de la situation du mouvement ouvrier un peu partout en Europe de l’ouest et de la nécessité de développer des organisations de base. Les conclusions sont, selon nous, applicables à la situation en Belgique. Nous tentons d’ailleurs de diriger tous nos humbles efforts dans ce sens.

En 1992, Francis Fukuyama annonçait l’avènement de la fin de l’Histoire dans son livre La Fin de l’Histoire et le dernier homme. Il entendait par là que l’humanité avait atteint le point final de son évolution et qu’aucun changement significatif ne se produirait désormais.

Le fascisme et le communisme (ce que Fukuyama considérait comme du communisme mais qui était une forme monstrueuse et répressive de capitalisme d’État) avaient été vaincus et il n’y avait pas d’autre alternative que l’économie de marché et la soi-disant démocratie libérale. Cela excluait le rôle de la classe ouvrière en tant que moteur du changement social et d’autres alternatives au capitalisme, comme le communisme anarchiste.

L’idéologie du libéralisme était désormais triomphante et, si elle n’était pas immédiatement dominante, elle le serait très bientôt. Cela impliquait également que le puissant champion de la démocratie libérale et de l’économie de marché, les États-Unis, resterait en position de domination mondiale.

Fukuyama pensait qu’avec la fin de l’Histoire, les relations internationales se préoccuperaient avant tout de questions économiques et non de politique et de stratégie, ce qui rendrait peu probable l’éventualité d’une guerre internationale généralisée. Les opinions de Fukuyama ont été reprises avec enthousiasme par les médias bourgeois, désireux de souligner qu’il n’y avait pas d’alternative au capitalisme moderne et que toute idée de changement radical devait être oubliée. […]

La lutte des classes est toujours d’actualité

Trente et un ans plus tard, la thèse de Fukuyama est en train de s’étioler. La démocratie libérale et l’idéologie du marché ont conduit au démantèlement des systèmes de protection sociale dans le monde entier et à l’appauvrissement de la classe ouvrière. La menace d’un conflit international violent est à son plus haut niveau depuis l’époque de la crise des missiles de Cuba en 1962.

Loin de voir la démocratie libérale régnant en maître, nous avons la Russie, où un capitalisme restauré est contrôlé par une classe de voleurs composée d’éléments de l’ancienne bureaucratie de l’État et du parti […]. La Chine et la Russie cherchent toutes deux à soutenir le régime autoritaire des mollahs en Iran, le dictateur meurtrier Assad en Syrie et le tout aussi répugnant Kim Jong-un en Corée du Nord.

Aujourd’hui aussi, le prolétariat commence à se manifester à nouveau. Bien sûr, la lutte des classes a toujours eu lieu, même en période de paix sociale accrue. Elle s’est manifestée par des grèves sauvages et officielles, l’absentéisme, le ralentissement du travail, l’écrémage, le sabotage et les émeutes.

Anarchist communist group est une organisation britannique, membre comme l’UCL du réseau Anarkismo. Si les deux sont proches, certaines positions peuvent ne pas être totalement partagées.

Des conflits durs éclatent dans toute l’Europe

Maintenant que le capitalisme est contraint d’intensifier ses attaques contre la classe ouvrière afin de préserver ses profits, la classe ouvrière est poussée à lutter par nécessité, la nécessité de préserver les anciens avantages sociaux qui avaient été gagnés par la lutte au départ, et de lutter contre la crise du coût de la vie.

En témoigne la vague massive de grèves qui a eu lieu en France pour défendre les retraites, une lutte qui se poursuit. On peut le voir dans la vague de grèves sans précédent qui a eu lieu au Royaume-Uni, dans différents secteurs.

Elle se manifeste également au Portugal, où les travailleurs et les travailleuses ont déclenché une vaste vague de grèves et sont descendu·es dans la rue pour obtenir de meilleurs salaires et pensions, ainsi que pour exiger le gel des prix des denrées alimentaires. Les cheminot·es et les enseignant·es sont en grève depuis deux mois et d’autres grèves sont prévues dans d’autres secteurs.

En Allemagne, une grève de très grande ampleur a touché la plus grande économie d’Europe à la fin du mois de mars, avec 2,5 millions de travailleurs des services et 230 000 travailleurs des transports qui se sont mobilisé·es le 27 mars. Cette grève avait été précédée par une grève bien soutenue des travailleurs des aéroports en février, par des grèves de nombreuses travailleuses des crèches et des jardins d’enfants le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et trois jours plus tard, les services postaux allemands ont été contraints d’accorder des augmentations de salaire de 11 à 16% à leurs travailleurs après une lutte de longue haleine. Les travailleuses des hôpitaux et des maisons de retraite se sont mises en grève les 14 et 15 mars.

Une grève massive des travailleurs du secteur public a eu lieu en Belgique le 10 mars, touchant particulièrement les chemins de fer, les bus et les services médicaux. Cette grève a été déclenchée en réponse à la détérioration des conditions de travail.

En Italie, les bagagistes, le personnel des chemins de fer et les travailleurs des transports publics se sont mis en grève tout au long du mois de mars et prévoient d’autres grèves en avril.

En Espagne, les travailleuses des aéroports se sont mises en grève en mars et prévoient d’autres grèves en avril.

Des millions de travailleurs et travailleuses dans la rue

Le rythme de la lutte des classes s’accélère. Cependant, toutes ces luttes sont défensives, en réponse aux attaques vicieuses de la classe patronale. Alors que ces grèves conduisent à une réémergence de la conscience de classe, à la prise de conscience que les travailleurs et les travailleuses appartiennent à une classe et que la solidarité et l’action directe sont nécessaires, nous sommes loin d’une situation où notre classe est suffisamment confiante pour développer ses propres organisations de base et pour procéder à un changement social profond.

C’est pourquoi il est important aujourd’hui de pousser l’idée d’organisations de base contre les machinations des bureaucrates syndicaux, qui entravent et font obstruction aux actions de grève, tant au Royaume-Uni qu’à l’étranger.

Dans les luttes à venir, nous devons envisager la création de comités de grève contrôlés par les grévistes et, parallèlement, la création d’organismes dans les quartiers et les arrondissements qui attirent les travailleuses, les chômeurs, les employé·es de maison non rémunérés, les écoliers, les étudiant·es et les retraité·es, désireux d’offrir leur solidarité aux travailleurs, de lutter contre les mesures d’austérité prises par les gouvernements locaux et nationaux, et d’envisager l’organisation de structures d’aide mutuelle, basées sur des exemples tels que les programmes alimentaires mis en place par les Black Panthers aux États-Unis et les services de santé alternatifs mis en place par les travailleuses médicales en Grèce.

En Belgique nous pensons également qu’il est important d’encourager de tels structures. Les réseaux d’entraides tel que le Réseau Bruxelles Solidarité, ou des syndicats de base tels que l’Union Syndicale Etudiante et les IWW Bruxelles, sont des bons exemples, parmi d’autres, à investir et développer.