Propos recueillis par Jérémie (AL Gard)
La situation à Mayotte commence à percer le mur médiatique en France. AL a joint Abderrahmane Abdelhaoui, militant de SUD-Education Mayotte, ce jeudi 14 avril. Il témoigne sur la réalité de la grève générale sur l’île et sur un mouvement populaire qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Alternative libertaire : Salut Abdé, peux-tu nous décrire la situation ?
Abderrahmane Abdelhaoui :Tout est bloqué. Nombre de personnes sont confinées chez elles. Ma compagne, Hafida, enseignante comme moi, n’est, par exemple, pas allée à son lycée depuis deux semaines. Dans des collèges ou des lycées qui accueillent habituellement 1.500 élèves, il n’y a, dans les faits, que 20 à 30 élèves de présents. La plupart des bahuts ferment leurs portes à midi faute d’élèves.
Dès 5 heures du matin, les routes sont bloquées. Il y a deux types de barrages. Ceux de l’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires-CFDT-FAEN-FO. Mais aussi des barrages « sauvages », construits par des mômes pour la plupart. Ces derniers donnent lieu à des affrontements très violents avec la police à coup de caillassage des CRS et des automobilistes qui auraient le malheur de vouloir forcer les barrages.
Dans ce climat de blocage et de ras-le-bol de la misère sociale, se rajoutent des violences entre des gamins des villages entre eux qui se mènent une véritable guérilla. Il y a des blessé.e.s graves. Il y a un an et demi, un gamin était resté sur le carreau suite à ce type d’affrontements entre villages.
Dans les villages du centre de Mayotte, la situation est dramatique pour la population. Des villages ne sont plus approvisionnés. La pénurie commence. Et cela va s’intensifier dans les jours qui viennent…
Au niveau économique, le représentant local du Medef a dit craindre l’asphyxie de nombre d’entreprises du fait du blocage de la zone industrielle de Kaweni.
Au niveau syndical et des revendications qu’en est-il ?
Abderrahmane Abdelhaoui : Sur les barrages de l’intersyndicale, les militantes et les militants sont déterminés. Solidaires est très présent. Mais le gros des forces est constitué par la FSU, avec notamment le 1er degré très mobilisé.
Sur le plan des revendications, au-delà de la revendication qui avait constitué la colonne vertébrale du mouvement à l’automne 2015 sur la question de la revalorisation des carrières avant les départs en retraite de nombre de fonctionnaires, c’est la question de l’égalité des droits qui est posée aujourd’hui. Une revendication justifiée par l’état de misère d’une grande majorité des habitantes et des habitants de l’île. Une revendication centrale qui explique, par exemple, l’extrême implication des mères de familles qui descendent des villages dans les villes, lors des manifestations, pour porter cette exigence.
Sentant que la situation ne fera que dégénérer, le gouvernement commence à réagir. Demain, vendredi 15 avril, l’intersyndicale sera reçue par les directeurs de cabinet de trois ministères (Outre-mer, Travail et Solidarité). Pas sûr que cela calme le mouvement. L’intersyndicale envisage dans les jours prochains de constituer un barrage au niveau des barges qui relient la Petite-Terre et la Grande-Terre. Le blocage de Mayotte sera alors total.