Par Gyula (AL 93)
Renforcement du mur de séparation avec la Serbie, référendum biaisé sur la question des réfugié-e-s, surenchère nationaliste dans les discours, campagne d’affichage raciste… Dans le pays de Viktor Orbàn, et plus largement en Europe de l’Est, l’offensive raciste anti-immigration devient de plus en plus inquiétante.
La Hongrie n’est décidément pas une terre d’accueil pour les réfugié-e-s venu-e-s du Proche-Orient ou d’Afrique. Viktor Orbàn va toujours plus loin dans sa dénonciation des quotas migratoires au sein de l’Union européenne 1 et de l’immigration en général. Il a encore franchi un cap cet été, en assumant à la fois les théories les plus complotistes et celle du « grand remplacement ». On peut trouver une étape décisive de cette nouvelle évolution lors de son discours à l’occasion de la fête nationale du 15 mars : « Il nous est interdit d’affirmer qu’à Bruxelles, ils cherchent les moyens d’envoyer les étrangers le plus rapidement possible afin de les installer parmi nous. Il nous est interdit de dire que l’objectif de ce peuplement, c’est de redessiner la carte religieuse et culturelle de l’Europe, d’en saper les bases ethniques et d’éliminer les États-nations, qui sont les derniers obstacles à cette Internationale. » Ça pue comme du Soral : intéressant de voir que les convergences entre les droites dures au pouvoir dans certains pays d’Europe et les affirmations les plus folles issues des milieux identitaires atteignent des sommets impressionnants.
Projet identitaire au pouvoir
Le problème est qu’en Hongrie – même si les racines politiques du Fidesz, le parti au pouvoir, sont à chercher du côté du libéralisme politique et économique des années 1980 – le projet nationaliste, voire maintenant carrément identitaire, est au pouvoir et pas seulement dans les esprits fumeux des cercles radicaux. Or ce gouvernement est en mesure de faire des choses. Par exemple, depuis le début de l’année 2016, sur les 25 000 demandes d’asile déposées, seules 250 personnes ont obtenu le statut de réfugié-e. À l’été 2015, le gouvernement avait érigé à la frontière serbe un mur de 175 km. Et aujourd’hui, il s’apprête à en construire un second, pour le renforcer : « Si ça ne marche pas avec de beaux mots, nous devrons les arrêter par la force, et nous le ferons », éructe le Premier ministre hongrois (cité par Reuters). Quelque 47 000 policiers sont déployés en permanence le long du mur.
Pourquoi un tel acharnement ? Orbàn n’est pas actuellement au sommet de sa gloire. Il est remis en cause par certaines franges de la population, dans la cadre de mouvements sociaux parfois d’ampleur. Le stock de réformes populistes possibles s’épuise, et le Brexit l’a mis devant ses contradictions face à l’Europe libérale : jusqu’à présent, il pouvait la dénoncer à corps et à cris, mais maintenant que la sortie de l’UE se présente sous un jour plus concret, lorsqu’on lui demande s’il la souhaiterait pour la Hongrie, il se mue dans un silence significatif de l’adhésion profonde du régime au capitalisme libéral. Le maintien d’une forte propagande antimigrants est donc une solution idoine pour permettre au régime de sortir de ses contradictions.
C’est ainsi qu’il faut comprendre tout le branle-bas de combat mis en œuvre par le gouvernement contre les quotas migratoires, qui se traduit par un référendum qui eu lieu le 2 octobre, dans la plus pure tradition du césarisme autoritaire. La question posée est la suivante : « Approuvez-vous que l’Union européenne puisse ordonner l’installation en Hongrie, à titre obligatoire, de ressortissants non-hongrois sans l’accord de l’Assemblée nationale ? » On notera la neutralité avec laquelle elle est posée. Ce référendum fut articulé à une propagande gouvernementale dans la foulée de celle de l’année dernière, avec une nouvelle campagne d’affichage sur le thème : « Le saviez-vous ? ». Et les informations dévoilées sur ces affiches sont les suivantes : « Ce sont des immigrants qui ont commis l’attentat de Paris » ; « Près d’un million de migrants veulent venir en Europe à partir de la seule Libye » ; ou encore « Depuis le début de la crise migratoire, le nombre de harcèlements contre les femmes en Europe a considérablement augmenté ». Toujours dans cette campagne, le gouvernement reprend à son compte le délire de l’écrivain islamophobe américain Robert Spencer sur les « no-go zones », en en dressant une carte d’Europe, décrites en ces termes sur le site du gouvernement : « Les espaces appelés “no-go zones” sont des quartiers urbains, que les autorités n’arrivent pas, ou ont du mal, à garder sous leur contrôle. Là-bas, les normes écrites ou non écrites de la société d’accueil ont du mal à s’imposer. Dans les villes européennes où vivent d’importantes communautés d’immigrés, il existe plus de cent “no-gone zones” de ce type. »
Le problème est qu’on ne peut pas prendre la Hongrie de Orbàn pour un cas isolé. La construction de régimes fascistes est quelque chose de progressif, et la convergence entre les extrême droites les plus dures et les partis de gouvernement est un indice de cette construction dans plusieurs pays européens. En Europe de l’Est, une coalition informelle de quatre pays, les « Quatre de Visegrad » (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) est vent debout contre l’accueil de migrants et migrantes depuis l’été 2015. Il y a un an, Robert Fico, président du gouvernement slovaque issu de la social-démocratie, déclarait ne vouloir recevoir que des migrants chrétiens, alors que ce 23 août encore, le chef du gouvernement tchèque, Bohuslav Sobotka, s’élevait contre la constitution d’une « forte communauté musulmane » dans son pays. Et force est de constater que ce phénomène progresse partout en Europe, bien au-delà des pays de l’Est.