Mémoire des luttes : Femmes Libres contre machisme libertaire

Par Adèle (AL Montreuil)

mujeres-libres-1936Organisation féministe fondée un peu avant la guerre d’Espagne, les Mujeres Libres ont contribué au combat libertaire, mais aussi mis en avant la lutte pour la place des femmes dans la société et dans le monde militant. Un combat encore actuel.

Des Mujeres Libres, on sait souvent certaines choses. Que cette organisation qui revendiquait dans son nom même la liberté des femmes exista dans un contexte révolutionnaire et de guerre civile, en Espagne, ­entre 1936 et 1939. Qu’elle était autogestionnaire et fédéraliste. Que ses militantes furent nombreuses (20 000 en juillet 1937). Qu’elles s’adressaient à la classe ouvrière et en étaient souvent issues. Qu’elles s’exprimaient sur des sujets aussi divers que les conditions de travail et les salaires, la grossesse, le plaisir féminin, la structure familiale. ­Qu’elles refusèrent de s’allier avec les féministes communistes, mais ne trouvait que peu d’appui également chez les libertaires. Qu’elles considérèrent ­l’éducation des femmes comme un outil indispensable de leur émancipation. Qu’ainsi, elles assurèrent des formations techniques, générales et militantes pour les femmes. Surtout, ­qu’elles avaient la volonté d’articuler classe et genre pour ­contrer les féministes bourgeoises de ­l’époque.

1286310934481muilicianasgdOn sait parfois aussi, mais pas toujours, que c’est en premier lieu face à leur organisation libertaire, la CNT, qu’elles se dressèrent. En particulier, c’est à cause des pratiques de certains militants qu’elles voulurent créer cet espace militant réservé aux femmes (on dirait aujourd’hui non mixte). La CNT prônait l’égalité des sexes et de nombreuses femmes s’y syndiquaient. Certaines y avaient même des responsabilités. Les idées de Proudhon, qui voulait laisser les femmes à la cuisine, étaient rejetées. Mais l’écart entre la théorie et les pratiques des militants était trop important.

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La victoire de Trump ou la défaite pour le mouvement féministe

Par Sasha  (Féminisme Libertaire Bruxelles)

15151490_901032363364892_176955696_nLe républicain Donald Trump vient d’être élu 45ème président des États-Unis d’Amérique malgré ses positions ouvertement conservatrices. Sa victoire présidentielle est une victoire décomplexée du sexisme, de la misogynie, du racisme et de l’homophobie. Cet article a pour attention de porter des clés de compréhension au vote des femmes blanches envers le parti républicain et la personnalité de Donald Trump. Pourquoi les femmes blanches ont fait le choix de leur classe sociale, économique, politique et culturelle ? En quoi l’élection de Trump est une défaite pour tout le mouvement féministe et un succès de l’antiféminisme ?

Avant tout, l’issue des dernières élections étasuniennes, quelles qu’elles soient, ne constituaient incontestablement pas un événement caractéristique d’un changement social face aux différents systèmes d’oppression. Si l’élection d’Hillary Clinton présentait un enjeu symbolique et historique dans une institution traditionnellement masculine, il serait hypocrite de dénier son éventuelle influence dans la continuité des guerres impérialistes menées par les USA, sous couvert d’une prétendue posture progressiste (en opposition à Trump). En tant que collectif anarchiste et féministe, nous croyons seulement au pouvoir des mouvements sociaux pour envisager l’abolition des inégalités.

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Intersectionnalité : Qu’est-ce que le féminisme décolonial ?

Hourya (AL Tarn)

photographing-the-human-faces-of-protest-movements-1476390113Les « femmes » ne forment pas une classe homogène. Au sein des femmes il existe des expériences vécues différentes de la domination selon que l’on soit blanche ou racisée. Le féminisme décolonial entend prendre en compte la spécificité de l’oppression des femmes racisées dans leur lutte.

La postcolonialité désigne la manière dont les anciennes sociétés coloniales ont été façonnées par l’esclavage, la colonisation et les discriminations raciales. Par extension, elle renvoie aux discours et pratiques qui organisent la continuité sous d’autres formes d’une telle structuration sociale, une fois abolies l’exploitation et la ségrégation officielles.

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De l’Argentine au Québec, des mobilisations féministes contre les violences sexuelles et les féminicides

Par Féminisme Libertaire Bruxelles

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*Trigger warning – Contenu sensible : violences sexuelles, viols, culture du viol.
**Cet article tente d’appréhender la culture du viol – liée aux privilèges masculins, aux enjeux de masculinité et au contrôle des femmes – dans une société hétérosexiste et patriarcale. Cependant, nous ne supposons pas que les relations homosexuelles, lesbiennes, pansexuelles soient exemptes de rapports de pouvoir.

De l’Argentine au Québec, des féministes s’organisent contre les violences machistes, les agressions sexuelles et les féminicides en ce mois d’octobre 2016. Au Québec, une quinzaine de plaintes ont été déposées afin de dénoncer des intrusions et des agressions à caractère sexuel au sein des résidences universitaires de l’université Laval dans la nuit de vendredi à samedi. Des groupes féministes ont ainsi organisé des rassemblements et des manifestations de solidarité dans plusieurs villes au Québec afin de lutter contre la culture du viol. Différentes bannières de soutien aux survivantes d’agressions sexuelles ont été déployées sur les campus universitaires et les cégeps avec des messages tels que « Solidarité avec toutes les victimes d’agressions sexuelles », « Vous êtes fortes », « Violences sexistes, ripostes féministes », « Les femmes ne sont pas des objets », « Sans accord touche pas à mon corps ».

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Silvia Federici (historienne) : « Le capitalisme sépare et isole les femmes »

Propos recuillis par Hourya Bentouhami (AL Tarn)

Comment le capitalisme a-t-il été possible ? En bonne partie par le travail domestique des femmes, qui a rendu les hommes disponibles pour le salariat. Silvia Federici explique ainsi l’idéologie patriarcale qui a jeté le soupçon et combattu la sociabilité entre femmes, qui risquait de les distraire de cet indispensable rôle de servante.

AL : Est-ce que tu peux nous expliquer ton parcours qui va de l’étude de la chasse aux sorcières (dans Caliban et la Sorcière) comme ayant contribué selon toi à la première forme d’accumulation primitive avec les enclosures [1] des femmes, à la réflexion que tu mènes aujourd’hui sur le travail domestique et le capitalisme à une échelle globale dans ce qui s’apparente à une forme de néocolonialisme ?

Silvia Federici : Dans les années 1970, on a commencé à analyser le travail de reproduction, le travail domestique, comme étant un terrain très important d’exploitation des femmes et de luttes dans les sociétés capitalistes. Cela nous a conduits à penser que les femmes doivent mener une lutte autonome et pas seulement assurer une fonction de soutien des luttes des hommes.

À partir de cette perspective, j’ai commencé à penser l’histoire de la construction du travail domestique, et cela m’a conduite à repenser l’histoire de l’accumulation primitive. J’ai compris très tôt qu’il était important de comprendre ce qu’est le capitalisme, comment il s’est développé, et comment s’est transformé le travail que l’on appelle dans la société moderne travail de reproduction – surtout le travail ménager.

Je me suis donc intéressée aux sociétés précapitalistes pour comprendre comment ce travail a été transformé, surtout en Europe. J’ai alors étudié le Moyen Âge. Et j’ai compris que dans la société féodale, qui était une société très opprimante en raison de la servitude (qui était un système d’exploitation très fort), le serf dans beaucoup de cas avait en guise de salaire accès à la terre, donc à des moyens de reproduction [2].

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