Ce jeudi 30 mai 2013, plus de 600 syndicalistes, venus à l’appel de la régionale FGTB Verviers traversaient Bruxelles. Leur plan ? Interpeller directement les trois partis de la majorité, MR, CDH et bien sûr, PS, sur les politiques d’austérité. Véritable dernier avertissement – « … sinon la prochaine fois on revient avec des boulons » dixit un porte-parole – l’action mettait en exergue d’une part la résistance des travailleurs à l’offensive de l’Etat en faveur du patronat, mais aussi, d’autre part, les tensions qui traversent le syndicalisme belge. Retour sur une journée de lutte.
Indépendance syndicale
Les mots d’ordre des travailleurs sont simples : non au gel des salaires, non à l’exclusion des chômeurs de la sécurité sociale, non à l’allongement des carrières, non aux tripotages de l’indexation des salaires. Avec la crise, des masques sont tombés : en imposant ces mesures revendiquées par les patrons, l’Etat s’en fait le premier complice.
Un Etat qui est loin d’être le seul jouet des patrons et autres bourgeois habituels : au centre de la coalition gouvernementale, le Parti socialiste. Loin d’être dupes, les syndicalistes ont ainsi fait converger leur manifestation devant le siège du parti, où une occupation à tenter de s’installer.
Le secrétaire régionale de la FGTB Verviers, Daniel Richard, était d’ailleurs accompagné de Daniel Piron, secrétaire régionale de la FGTB Charleroi. Geste symbolique marquant l’importante prise de distance entre le syndicat et le parti, le carolo ayant, deux années d’affilées, appelé – avec le soutien de ses centrales – à se débarrasser du Parti socialiste comme partenaire privilégié.
Accueil policier
L’ancien parti frère a bien endossé son rôle de défenseur de l’Etat : les robocops et les policiers en civil étaient déjà bien installés au sein même du palais « socialiste » (lui-même installé au bien nommé… boulevard de l’empereur). Quelques travailleurs, lancèrent, ironiquement « Il nous semblait que c’était notre maison !« .
L’installation des tentes ne fut pas mieux reçue. L’action prévoyait d’occuper la zone jusqu’à ce que le parti s’engage à arrêter ses politiques sordides. Cependant, la police et les portes-paroles du PS firent vite comprendre que les syndicalistes avaient intérêts à avoir décampé avant 18h. Le petit campement était déjà encerclé par les combis et voitures de police. Les syndicalistes levèrent le camp, sans grand étonnement et sans désespoir : « On reviendra très bientôt. Le six juin (ndlr : date du prochain grand rassemblement syndical) ont sera pas une petite centaine, mais plusieurs milliers ».
Projet de société
Aujourd’hui, le divorce se construit dans les bases et les « petites » directions : bien que moins ressenti à la tête de fédération, les voix s’élèvent de plus en plus nombreuses dans les régionales industrielles et les centrales ouvrières (Notamment celle des métallurgistes : la présence remarquée du secrétaire MWB Nico Cué et du secrétaire fédéral Jean-François Tamellini au rassemblement en témoigne). Ces centrales, poussées au gouffre par le gouvernement PS, ne peuvent se contenter d’une défense strictement corporatiste de leurs intérêts. Attaques sur les précaires dans les villes, démantèlement du secteur industriel belge : la combativité est de l’ordre de la survie.
De plus, si les directions de la FGTB ont longtemps gardé le Parti socialiste dans leurs alliés, c’est parce qu’elles l’ont toujours considéré comme le meilleur partenaire possible pour promouvoir son projet de société. Avec un parti qui abandonne tout projet socialiste de la société – même réformiste – ce grand écart est inévitable. Car même si la fédération est loin d’être imperméable aux discours corporatistes, elle reste par ailleurs héritière d’un projet de syndicalisme, né au lendemain de Seconde guerre mondiale, interprofessionnel, combatif et pluraliste de gauche, toujours bien présent dans les bases.
C’est un syndicalisme de lutte qui se voit renforcé, à la fois par une combativité accrue, à la fois par un projet alternatif de société : oui, à la sécurité sociale, oui aux services public, oui au droit de grève, oui à une fiscalité juste.
Combativité, alternative, indépendance : l’apport libertaire nécessaire
Il est risqué pour les travailleurs de retomber dans de nouvelles illusions. Si aujourd’hui un front à gauche se fait – lentement – derrière les secteurs syndicaux combatifs (FGTB mais aussi CSC), ce n’est pas pour autant que certaines composantes de ce front ne sont pas prêtes à faire tomber le syndicalisme dans les mêmes travers, voire les amplifier (que ça soit la bureaucratie, le corporatisme, l’électoralisme, le nationalisme…). Dans une Belgique où communistes libertaires et anarcho-syndicalistes de tout poil se font rares, il est nécessaire que nous réinvestissions le syndicalisme plutôt que de le snober. Les valeurs de démocratie directe, d’autogestion des travailleurs, d’action directe et d’internationalisme, sont à opposer à la centralisation autoritaire derrière un parti, à la division des tâches entre parti et syndicat (le premier à l’avant-garde politique, le second cantonné aux questions économiques), au protectionnisme comme projet de société, ou encore, aux élections comme moyen viable de proposer une société alternative.