L’Organisation de solidarité trans (OST) est, en France, une organisation nationale associative trans qui allie autosupport et luttes revendicatives. Une de leur deux secrétaires nationales, Alice Vaude, a accordé une interview à Alternative libertaire.
Alternative libertaire : D’où vient l’OST ? Comment et pourquoi vous êtes vous nationalisés ?
Alice Vaude : Au début, c’était vraiment pour combler un vide qu’il y avait à Tours. Déjà à l’époque on était pas uniquement une association d’auto-support, mais aussi de lutte, et c’est cette dualité qui nous représentait et nous représente toujours.
On en est à un point où les attaques anti-trans augmentent : les conservateurs et les réactionnaires, comme dans les assos Ypomoni ou l’Observatoire de la petite sirène, mènent un lobbying et des attaques politiques incessantes. La France suit la voie du Royaume-Uni où les réac’ mènent des attaques législatives contre les trans au Parlement : ça arrive en France, où il n’y a aujourd’hui pas de voix trans portée à l’échelle nationale.
Cette voix, on pense qu’elle doit exister et, pour ça, qu’il faut une association nationale. Une autre nécessité est celle d’avoir un outil pour mettre en place de l’auto-support, car fonder une organisation locale coûte beaucoup plus que de se rattacher à une organisation nationale. Ça permet aussi de pouvoir dialoguer et entrer en contact avec les autres organisations du mouvement social (féministes, syndicales, antiracistes, antivalidistes…).
On ne s’est pas lancé·es sur une extension nationale tout de suite, on a d’abord posé des bases démocratiques et de fonctionnement stables à Tours avant de créer d’autres sections locales, comme à Nîmes. Aujourd’hui, avec cinq sections, il y a un bon fonctionnement entre la routine des sections et la politique menée nationalement.
Quelles relations l’OST entretient avec le monde associatif trans ?
L’associatif trans est très dispersé, avec très peu de contacts depuis la mort de la Fédération Trans Inter. Il est surtout concentré sur l’autosupport. Le travail fourni par l’ensemble du mouvement est nécessaire, la présence de militant·es plus ancien·nes est aussi importante. De fait on travaille et on construit ensemble, comme à l’ExisTransInter.
Dans le futur, il faudrait réussir en tant que mouvement trans à construire un rapport de force, et pour ça, il serait intéressant d’avoir un espace de mise en commun des forces. On est tou·tes uni·es par la volonté d’apporter du soutien aux personnes trans, notamment au vu des conditions que la transitude apporte.
Quelles sont les oppressions vécues par les personnes trans dans le monde du travail et comment les combattre selon vous ?
L’immense majorité des personnes trans sont des travailleurs travailleuses précaires car les parcours de transitions mènent à des pressions dans les entreprises, à la placardisation et au harcèlement. Cela débouche souvent sur une sortie du monde du travail salarié et à l’isolement, cercle vicieux bouclé par des discriminations à l’embauche. Ce phénomène est d’autant plus vrai pour les femmes immigrées, qui, exclues du travail salarié, sont poussées vers la prostitution.
Il ne s’agit pas d’un schéma dépendant de quelques patrons transphobes mais bien des conséquences du système capitaliste et patriarcal. En conséquence, un de nos rôles est de faire gagner une conscience de classe aux travailleurs et travailleuses trans car on ne pourra pas améliorer nos conditions de vies en tant que trans si on n’améliore pas celles de toutes et tous les travailleurs.
Dans ce sens nous invitons toutes les personnes trans à se syndiquer, à rejoindre des organisations politiques révolutionnaires. En plus de cela nous avons pu amorcer un travail auprès de certains syndicats, unions départementales et régionales afin de pouvoir les armer face à la transphobie dans le monde du travail. Ce travail a particulièrement porté ses fruits avec des syndicats de la santé. On a tout intérêt à un rapprochement entre le mouvement syndical et le mouvement trans, à ouvrir des lieux de discussions, de formation.
L’anticapitalisme est nécessaire aux luttes trans, l’autosupport est essentiel mais il s’agi d’un soin palliatif et il faut lutter aux racines du système capitaliste, patriarcal, impérialiste et raciste. Mais l’inverse est également vrai : la lutte politique ne se suffit pas.
D’après ce que tu dis on peut comprendre que l’OST a une perspective révolutionnaire, est-ce le cas ?
L’OST est une organisation de masse, elle vise à regrouper toutes les personnes trans quels que soient leurs courants idéologiques. Cela ne nous empêche pas d’avoir des lignes politiques révolutionnaires, marxistes, anti-impérialistes, féministes radicales. On recrute largement sur la base de l’entraide et on se forme pour avoir des perspectives politiques pour et par les personnes trans.
Et en effet nous sommes critiques des politiques bourgeoises et réformistes qui ont été portées quant aux personnes trans. Les promesses ne sont pas tenues et quand il y a des législations pro-trans les associations ne sont pas consultées et leurs préconisations sont ignorées. Même si certains conseils comme celui à la santé sont intéressants à occuper, la représentation dans les lieux de pouvoir de la démocratie bourgeoise n’est pas un objectif.
Quelles sont vos activités de terrain ?
Les sections de l’OST tiennent des permanences pour accueillir les personnes trans, et pour les accompagner mais aussi créer du lien entre ces dernières car elles sont souvent isolées. Les sections s’investissent également dans les luttes sociales et participent à les construire. Pendant la réforme des retraites nous étions présent·es à Tours en tant qu’OST, et aujourd’hui nous sommes de toutes les manifestations en soutien au peuple palestinien.
Une fois que ce travail est fait, nous cherchons à construire des luttes trans locales. Par exemple, vers Lille, nous œuvrons à créer un front antifasciste large (y compris avec l’UCL) pour réagir face à l’extrême droite qui diffuse des tracts anti-trans.
Il y a une date pour réagir à l’offensive transphobe massive qui est en cours, c’est le 12 octobre 2024 où nous invitons à une présence politique et syndicale forte à la marche de l’ExisTransInter pour imposer un rapport de force contre la montée du front médiatique et institutionnel anti-trans en France.
Propos recueillis par Lou et Lou (UCL Grenoble)